D'épiderme et d'entrailles : le mur médiéval en Occident et au Proche-Orient (Xe-XVIe siècles)

Recension rédigée par Jean Nemo


On excusera le rédacteur de la présente note de lecture dont les connaissances murales se limitent à de banales expériences, liées à du bricolage de résidence secondaire. Il lui est donc possible de commettre des erreurs d’appréciation sur les démonstrations et développements de ce docte ouvrage. Il est cependant justifié d’en rendre compte dans une Académie qui se veut des Sciences d’Outre-mer, dès lors que seront évoqués d’autres murs qu’européens, tel qu’indiqué dans le sous-titre « Proche-Orient », par exemple ceux de Césarée, de Belvoir (en actuel Israël), de la Mésopotamie du Néolithique, voire d’Angkor…

Une quinzaine d’auteurs ont contribué à cet ouvrage, certains fort connus dans leur milieu, d’autres étant plus débutants, leurs bibliographie en attestent. Ils sont tous plus ou moins liés à la région Auvergne, quoiqu’un certain nombre soient d’origine plus méridionale, par exemple catalans.

La préface de deux d’entre eux, Bruno Phalip et Nicolas Reveyron, annonce qu’ils ont entendu travailler ensemble, certains depuis longtemps, d’autres plus récemment, très vite au pied du mur. « L’historien de l’art entre dans l’architecture quand le parement lui devient une masse. Les travaux réunis dans ce volume la feront apparaître multiple et diverse, sous des éclairages renouvelés ».

Dans son avant-propos, Xavier Barral I Altet précise « Le Mur : esthétique, poétique et approche visuelle et perception de la matière, vie et transparence ». Titre provocateur, car pour le commun des mortels, le mur sépare et protège (murs privés, Muraille de Chine, Mur d’Hadrien, Rideau de Fer)…C’est ce qu’il reconnait dès les premières lignes : « Le mur protège de ceux qui sont à l’extérieur, ceux qui se trouvent à l’intérieur; il peut restreindre la libre circulation et assume une fonction symbolique d’enfermement ». La première illustration de l’ouvrage est une photo d’un fragment de mur omeyyade au Liban, la seconde celle « de la majesté de la voûte Hammam, bain islamique à Majorque ». Laquelle voûte serait plus importante que le mur.

Cet avant-propos se termine par l’avant-dernière phrase suivante : « Le mur et son approche sont un fait très personnel comme l’est le regard que l’on peut porter au mur, sur le mur, la poétique du mur, l’esthétique du mur, le mur en tant que support, la chronologie du mur, l’appareil caché et l’appareil dévoilé, le mur qui porte et le mur qui parle, etc… ».

Le lecteur potentiel, du moins est averti, du moins s’il est académicien des sciences d’Outre-mer : cet ouvrage n’est pas de ceux dont il est généralement rendu compte. Mais ce lecteur-académicien est d’autre part un lecteur cultivé qui peut avoir des raisons de s’intéresser à une approche inhabituelle et novatrice du regard esthétique et néanmoins savant du mur.

On lui donnera donc l’essentiel de cet ouvrage à multiples voix.

Une première partie, intitulée « La peau et le ventre », décrit comment bâtir, sous approches technologique et esthétique, avec des sortes de courtes monographies à propos du Turkménistan ou du Bas-Berry ou encore des châteaux-forts alsaciens.

Une seconde partie, intitulée « D’air, d’eaux « lentes » ou « vives », fourrure, blocage et parties externes » poursuit ces brèves monographies en évoquant les matériaux utilisés et la façon de les préparer ou d’évacuer les eaux de pluie.

Dans sa conclusion, Bruno Phalip rappelle que pour les auteurs des différentes contributions, cet ouvrage n’est certes pas un aboutissement mais bien plutôt un point de départ et ouvrir « quelques chemins à tracer ». Mais surtout, « …en exaltant l’homme au travers de cette exaltation de la pierre. D’épiderme et d’entrailles, l’anthropomorphisme n’aura pas été vain ». Il appelle donc à « des entreprises éditoriales collectives ultérieures ».

Le rédacteur de la présente note de lecture, bricoleur amateur et très épisodique de murs ou parois éphémères comme il l’a précisé plus haut, ne saurait prétendre porter un jugement sur l’appareil critique de l’ouvrage sous revue. En revanche, il a été très intéressé par une démarche novatrice, qui est le fait d’une équipe, laquelle concrétise ainsi des relations universitaires en leur proposant « une route à suivre ». Et par l’ouvrage qu’il a parcouru plus qu’attentivement.