La face cachée de l'islamisation : la banque islamique

Recension rédigée par Michel David


            Sous-titré « La banque islamique », cet ouvrage a pour dessein de révéler et dénoncer le rôle néfaste et dangereux du système de financement bancaire spécifique sur lequel le radicalisme islamique s’appuie pour favoriser l’islamisation totalitaire des sociétés arabes. Cette tentative insidieuse des pays producteurs de pétrole disposant de réserves financières considérables vise à appliquer les principes religieux coraniques à l’économie et à la finance qui en est le soutien.

            Universitaire tunisien, Yassine Essid s’indigne avec courage contre l’aveuglement des experts occidentaux face au développement de la finance islamique. En effet la crise financière de 2008 a suscité un grand intérêt pour ce système dans le monde bancaire et universitaire occidental, y voyant la possibilité d’attirer l’épargne de sa population musulmane. Ce système permet en fait aux riches Etats du Golfe de faire fructifier leurs immenses revenus tout en  encourageant l’islam rigoriste.

            L’entrée dans l’histoire de la finance islamique a été marquée par un scandale
politico-financier en Egypte en 1989. De nombreux petits épargnants ont été abusés par des dirigeants de fonds de placement islamiques. S’est alors posée la question de savoir si le modèle économique islamique pouvait être une substitution à l’économie de marché. Déjà dans le passé ce thème avait fait l’objet de multiples études d’experts. Mais la relation établie entre le financement islamique et les Frères musulmans a montré que la diffusion du système bancaire islamique dans les pays arabes avait en fait un objectif idéologique et politique, la promotion de l’islamisme. La Banque islamique de développement, fondée en 1975 en Arabie saoudite, finance d’ailleurs des projets à vocation religieuse, mosquées, centres culturels islamiques. Elle est le premier jalon d’une islamisation de la société arabe et un élément constitutif du radicalisme islamiste...

La doctrine islamique en matière de prêt, de crédit et d’usure  plonge ses racines dans un passé lointain. Toutes les civilisations historiques ont été confrontées à ce problème ainsi qu’une étude comparative des pratiques depuis l’Antiquité le démontre. A Babylone au XVIIIe siècle av. J. C. le Code d’Hammourabi réglemente le prêt à intérêt et fixe le taux légal. Dans la Grèce antique le crédit a donné lieu à une législation et à d’abondantes controverses entre philosophes et hommes d’Etat sur sa justification et ses limitations. L’Empire romain a admis le prêt à intérêt. Dans le monde chrétien, le Concile de Nicée puis les rois francs le condamnent. La doctrine de l’Eglise, après d’amples débats, a admis une rémunération modique.

Les docteurs de l’islam se sont engagés dans la même voie afin de favoriser le commerce  méditerranéen dont le développement nécessitait de nouveaux types de contrats de prêts. Au XVIe siècle le principe même de la condamnation de l’usure est remis en question. Jean Calvin accepte le prêt à intérêt. La révolution  française libéralise l’activité bancaire et le crédit. L’empire ottoman pratique des taux d’intérêts très élevés. En pays d’islam toute une casuistique se développe non sur l’interdiction de l’usure mais sur ce qui est attaché à la notion du « riba », c’est à dire à l’augmentation excessive de l’intérêt. Pour favoriser le commerce il faut en effet pouvoir augmenter le capital.

            Pour en tirer des avantages politiques les idéologues de la finance islamique justifient la prohibition du riba par les règles coraniques. La réalité historique est que le prêt à intérêt dans la péninsule arabique est bien antérieur au Coran. Depuis les temps bibliques les tribus du Hedjaz étaient constituées de marchands. Leurs caravanes assuraient le trafic de marchandises à travers tout le Moyen Orient. A l’époque préislamique, en raison de l’existence d’un sanctuaire autour de la pierre noire de la Ka’ba, La Mecque était à la fois un centre religieux et une place commerciale importante sur la route du Yémen à la Mésopotamie. On y célébrait d’anciennes divinités tout en s’adonnant aux échanges dont le volume était considérable. Le prêt à intérêt répondait aux besoins des marchands pour financer leurs achats. Les prêteurs justifiaient les intérêts acquis par le développement économique qu’ils favorisaient par leurs prêts. A l’abri de l’espace institutionnel de l’enceinte sacrée, le haram, qui permettait un trafic en toute sécurité, les commerçants mecquois ont accumulés les profits et ont utilisé leurs excédents de capital pour accroître le volume de leurs prêts.

            Pendant les trente premières années de sa vie, Mahomet a été l’un de ces marchands, comme ses ancêtres. A la suite de la Révélation, il est devenu réformateur religieux. Son monothéisme n’était plus compatible avec les cultes polythéistes du haram. Sa prédication contrariant l’élite commerçante, il s’est enfui de La Mecque pour se réfugier à Yathrib qui devint Médine, la ville du Prophète. Là il a rompu avec les traditions commerciales de sa jeunesse et  créé un nouveau marché. Le Coran mentionne le terme prêt et admet que le crédit est une activité nécessaire au commerce quand il est pratiqué à des taux raisonnables mais condamne les taux excessifs, l’usure dite riba.

 Le risque d’enfreindre cette règle est la hantise de la finance islamique. Ce système bancaire fait son fonds de commerce des interdictions coraniques, l’usure, les jeux d’argent, des investissements dans des produits illicites. Il prétend fonctionner par pur altruisme. Il n’opère donc pas par l’octroi de crédits comme les banques classiques mais par le financement de projets dans le cadre de contrats d’association avec les emprunteurs. La banque islamique ne prélève pas d’intérêts mais se rémunère d’une autre façon car sous couvert de l’islam la recherche de la rentabilité et du profit reste la finalité de ses opérations financières.  En définitive c’est une pratique  reposant  sur des  stratagèmes trompeurs et des moyens fallacieux conçus dans l’unique but de soutenir la promotion de l’islamisme radical.

            Cependant ce système reste confronté à de nombreuses questions sans réponse qui font l’objet de positions opposées entre juristes et religieux. Il s’agit d’aspects techniques et juridiques tenant à la compatibilité entre les  techniques financières et le droit musulman. L’internalisation de la finance islamique rend encore plus aléatoire la solution de ces problèmes. L’exemple de la Tunisie montre que l’arrivée au pouvoir des islamistes a  favorisé la banque islamique jugée compatible avec la charia. La finance islamique est alors un véritable instrument de propagande  au service des régimes islamiques.

            On peut toutefois s’interroger sur la viabilité à long terme  d’un système faisant référence à des normes doctrinales post-coraniques composées au IXe siècle, cent cinquante ans après la mort du Prophète. Ce retour à un passé lointain censé être meilleur que le monde actuel occupe un rôle central dans la finance islamique alors que le monde de maintenant s’attache à des principes issus du siècle des Lumières et de la Révolution, tels que ceux des droits de l’homme à l’opposé de la charia.

              En conclusion la finance islamique repose sur un immense subterfuge. Elle fait appel à la piété des musulmans en leur offrant des services supposés conformes aux principes coraniques. En même temps, en se plaçant sur le marché bancaire globalisé elle recherche l’acceptabilité des banques occidentales. En réalité c’est une entreprise avant tout idéologique à caractère religieux, le bras séculier de l’islamisme de combat pour la promotion de la charia dans le monde musulman qu’elle veut éloigner de la modernisation et enfermer dans l’obscurantisme, la régression culturelle et la violence.