Roman d'un voyageur : Victor Collin de Plancy : l'histoire des collections coréennes en France

Recension rédigée par Henri Marchal


            Choisi pour être le premier représentant de la France en Corée (1888-1906), Victor Collin de Plancy s’est pris de passion pour l’histoire et l’art de ce pays longtemps fermé aux Occidentaux. Par ce catalogue, enrichi d’articles rédigés par des spécialistes venus des musées et du monde universitaire, la Cité de la Céramique, à Sèvres, lui a rendu hommage en 2015 à l’occasion de l’année croisée France-Corée. En suivant les traces de ce voyageur curieux, elle célèbre, en partenariat avec l’Inalco, une double découverte, celle d’une culture raffinée et celle d’une ouverture au monde aux alentours des années 1900.

            Si les contacts avec la Chine et le Japon sont anciens, le rapprochement avec la Corée a été retardé par le massacre des chrétiens et par l’intervention de l’amiral Roze qui l’a suivi sur l’île de Kanghwa (1866). L’histoire entre la France et la Corée, portée à son apogée avec la présence d’un pavillon coréen au pied de la Tour Eiffel en 1900, sera courte puisqu’elle se referme avec l’annexion japonaise de 1910.

            Au cours de son séjour, Victor Collin de Plancy rassemble nombre de céramiques, de manuscrits, de livres, de meubles et de costumes dont il fait ensuite don à des institutions publiques, notamment à Sèvres et à Troyes. C’est à lui que l’on doit la révélation de la céramique coréenne en France. Par rapport aux porcelaines chinoises et japonaises très tôt recherchées, les céramiques coréennes étaient peu estimées et peu nombreuses dans les collections nationales. Sous l’autorité érudite de ce diplomate, elles vont recevoir de la considération et de l’ampleur. Il est ainsi l’artisan d’un don par le président Sadi Carnot de deux bols de grès de l’époque Koryô, dont une jatte à décor gravé de fleurs de chrysanthèmes sous couverte céladon (XII-XIIIe siècle). Sa générosité éclate en particulier avec le don d’une grande jarre décorée en bleu d’un dragon (XVIIIe siècle) qui est devenu le chef d’œuvre coréen du musée. Il est en même temps le promoteur en Corée de la céramique de Sèvres qui en retour y trouve des sources d’inspiration (ex. vase « Collin » à couverte rouge, XIXe siècle).

            Après avoir présenté les grès des Trois Royaumes et du royaume de Silla (57 av. J.-C. – 668), le catalogue insiste sur la « couleur secrète » des céladons coréens de l’époque Koryô (918-1392). Dans cette production, la série des céladons à décor floral incrusté sous couverte a acquis la notoriété sous l’appellation de sanggam. Le décor floral poinçonné caractérise une autre innovation. Sous la dynastie Chosôn (1392-1895), qui révolutionne le système de l’écriture, l’art des lettrés s’épanouit et se manifeste dans quantité d’objets associés à l’écriture : peintures sur papier, meubles en bois ou encriers en céramique. Plus tard, avec l’arrivée des étrangers, des objets atypiques témoignent du goût dans la décoration des banquets offerts aux diplomates européens. De nos jours, les artistes réinterprètent l’art ancestral de la porcelaine et font revivre le décor sanggam. Une exposition parallèle, Korea Now ! Craft, design, mode et graphisme en Corée, qui se tenait au musée des Arts décoratifs, en offrait l’illustration, endonnant un éclat contemporain à un ensemble éclectique de styles et de créations, justement appréciés par la scène internationale.

            En faisant mémoire des mérites de Victor Collin de Plancy, l’ouvrage invite le public français à honorer ce pionnier et à céder à la séduction d’un art insuffisamment reconnu.