Le choc des décolonisations : de la guerre d'Algérie aux printemps arabes

Recension rédigée par Jean Nemo


            L’auteur a fait ses preuves d’historien, sa bibliographie en atteste, elle est pour l’essentiel consacrée au Maghreb, plus particulièrement au Maroc. Mais l’ouvrage dont il est ici question n’est pas un livre d’histoire. L’auteur le reconnaît lui-même puisque dans son introduction il le baptise « essai », destiné à « interroger le moment de la « décolonisation », ses acteurs et sa réalité. ».

            Historien, il interroge bien sûr l’histoire. Mais d’abord le « moment » qui pourrait expliquer les printemps arabes des dernières trois ou quatre années, depuis les racines auxquelles on peut les rattacher, une décolonisation manquée au début des années 1960. En fait, beaucoup plus tôt et tout d’abord une colonisation elle-même manquée, par ses contradictions et ses manques de clairvoyance et d’aptitude à anticiper, par conséquent à s’adapter.

            Historien encore, l’auteur, selon la 4e de couverture, « s’insurge contre une vision simpliste et historiquement fausse », celle qui consisterait à croire que « les territoires autrefois colonisés sont désormais maîtres de leur histoire ».

            Les 4es de couverture sont souvent excessivement simplificatrices de la pensée de l’auteur et de la substance de ce qu’il écrit, il leur arrive même d’être mensongères. Celle-ci reste du bon côté, non mensongère, mais elle simplifie une pensée plus étoffée et plus informée. Il convient donc de ne pas se contenter d’un coup d’œil et de lire attentivement l’ouvrage.

            Le « choc des décolonisations » est tout d’abord un choc, encore aujourd’hui mal amorti. Pour l’auteur, il s’agit de reconstituer, de façon fort ambitieuse, un arbre phylogénétique dont les dernières et plus récentes pousses sont toujours vivaces.

            Il ne s’interdit pas quelques échappées vers d’autres colonisations/décolonisations, non plus que dans le domaine français vers l’Indochine mais son champ d’investigation principal est l’Afrique et le Proche-Orient, printemps arabes, finalité de la trajectoire, obligent.

            Essai, l’ouvrage n’a pratiquement aucun appareil critique, seules des notes de bas de page, parcimonieuses, donnent les sources des citations ou dires d’autres auteurs sur lesquels celui-ci s’appuie. Étant données les ambitions annoncées, le lecteur pourrait s’attendre à se voir proposer au moins une bibliographie étoffée et éventuellement contradictoire relative aux différents sujets traités. Essai ou pas, cette absence est gênante.

            Le lecteur généraliste mais honnête homme sera certainement intéressé par un texte fort synthétique qui répond à une vision globale, claire et ramassée. Dans une matière qui aurait pu donner lieu à bien plus de confusion, ledit lecteur, probablement et de bonne foi, s’il est encore jeune et plus préoccupé de problèmes d’actualité, y trouvera non pas des motifs d’adhésion sans réserve mais une source de réflexion qui l’incitera sans doute à élargir ses connaissances, à revenir sur un processus auquel il ne s’est sans doute pas intéressé et à se former ainsi sa propre opinion. D’où le regret de l’absence d’appareil critique.

            Si pour des raisons professionnelles ou personnelles le lecteur un peu moins jeune n’a jamais cessé de s’intéresser à l’histoire de la colonisation ni d’être acteur, au moins observateur attentif, des décennies qui ont suivi la décolonisation, néanmoins tout aussi généraliste, « honnête homme » mais pas historien, il prendra connaissance avec tout autant d’intérêt de cet essai. Il sera cependant conduit à des commentaires, des questionnements, voire à contester des faits, leur interprétation… Bref, essai réussi puisqu’il donne lieu à débat.

            Il convient pour mener ce débat de suivre la logique d’analyse proposée par l’auteur.

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            Dans son introduction, il précise que l’échec annoncé de la décolonisation à la française réside, pour l’essentiel, en ce que le « retour à la souveraineté nationale n’a pas coïncidé avec la démocratisation ». Plus précisément, les élites « nationales », à l’exception remarquable de l’Inde ex britannique, ont confisqué aux peuples, avec la complicité du colonisateur / décolonisateur, les fruits de leur indépendance et leur ont fait croire, des décennies durant, à leur victoire anticolonialiste. Forfait – le qualificatif est celui utilisé par l’auteur – accompagné de l’aveuglement, voire du mensonge de l’opinion publique des pays du Nord, refusant de « regarder en face les sociétés du Sud ».

            Et de conclure cette introduction : « La colonisation avait été l’affaire des chefs politiques, économiques et militaires, pour laquelle les peuples d’Europe étaient tenus d’acquiescer, voire de s’enthousiasmer. Sans transition, la décolonisation et le néocolonialisme, par le truchement des élites amies du Sud, a emprunté une voie analogue. Les sociétés du Sud et du Nord ont poursuivi leurs trajectoires parallèles… jusqu’à cet improbable « printemps arabe » de 2011, qui a permis d’entendre, pour une fois, la voix du Sud. ».

            Même dans une introduction annonçant les objectifs et les axes de l’ouvrage introduit, certaines simplifications prêtent à confusion, surtout, comme on le verra, elles ne sont pas explicitées par la suite.

            Pour être bref, et rappeler l’absence gênante d’appareil critique, on rappellera que « la colonisation » avait sous la IIIe République suscité des controverses à caractère anticolonial, que l’adhésion populaire était sinon indifférente, du moins, hors quelques célébrations épisodiques et « grand public », peu ou insuffisamment convaincue.

            C’est ainsi que Robert Ageron, pourtant cité à deux ou trois reprises dans l’ouvrage mais sur des points de détail est l’auteur de La décolonisation française (1991 et 1994), ouvrage de fond parmi quelques autres. Il est également l’auteur d’un opuscule L’anticolonialisme en France de 1871 à 1914 : il y distingue pas moins de huit catégories d' « anticolonialistes », qui vont des anticolonialistes libéraux à quelques écrivains, en passant par les pacifistes et les radicaux anticolonialistes, les conservateurs et nationalistes anticoloniaux, les socialistes, les anarchistes et les syndicalistes, les catholiques, avec pour tous des arguments. On sera surpris de la permanence, voire d’une certaine pérennité des arguments, fort proches (au moins quant au fond, la matière elle-même ayant pris en compte des données nouvelles) de ce que disent récemment et encore aujourd’hui les contempteurs de la période coloniale.

            Le même Robert Ageron est également l’auteur d’un article de fond sur le parti colonial (Le temps des colonies, HS n° 11, avril 2001), celui qui pendant presque un
demi-siècle aura raison, alors que l’opinion publique générale restait relativement indifférente, hors quelques expositions coloniales (celle de 1931 dans le Bois de Vincennes en constitue l’apogée). Je cite cet auteur car ses écrits sont facilement accessibles à l’ASOM. Je pourrais en citer d’autres, assez nombreux, qui ont traité des mêmes sujets d’histoire sans en simplifier les données.

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La première partie s’intitule  Le fiasco des décolonisations françaises.

Nul ne peut nier que la décolonisation « à la française » n’a pas été de tout repos, qu’elle s’est faite presque partout sous la contrainte liée aux mouvements indépendantistes locaux et / ou à divers types de pressions internationales, depuis celles des alliés dans les années 1940 (Syrie et Liban), plus tard des supposés alliés tels les États-Unis (l’affaire du canal de Suez en 1956) ou plus généralement de l’ONU. Mais aussi en raison de défaites militaires (Viêt-Nam) ou de changements de paradigmes géopolitiques ou d’une combinaison des deux (guerre en Algérie, où en 1961-1962 il n’y a ni vrai vainqueur ni vrai vaincu militaires mais des contradictions internes propres à chacun des belligérants, par exemple pour la France un coût humain et financier devenu peu supportable alors que parallèlement commence à se construire l’Europe).

            P. Vermeren analyse tout d’abord les dix-sept ans de guerres de décolonisation. Il impute à la classe politique et à l’opinion publique française une grave incompréhension de la réalité géopolitique de la période 1945-1960, des premiers signes d’une fracture plus que naissante en mai 1945 en Algérie, de l’absence de prise en compte du « coup de semonce malgache » de 1947, des « replis tactiques » contraints conduisant à l’indépendance des deux protectorats maghrébins.

            Mais force est de constater que pendant la période coloniale et depuis, « les libertés politiques n’ont jamais été instaurées ». En d’autres termes, ce ne sont pas les peuples qui ont été décolonisés, mais des « élites », les unes délibérément formées par l’ancien colonisateur et qui ont maintenu avec l’ancienne puissance coloniale des rapports ambigus, souvent complices, les autres qui, ayant mené de longues guerres de décolonisation, ont confisqué l’indépendance au profit de partis uniques, dans certains cas totalitaires. On reconnaîtra dans cette panoplie à peu près tous les cas, du Vietnam à l’Algérie, en passant par le Maroc, la Tunisie, l’Afrique subsaharienne. Dans cet éventail, les genres parfois se confondent, selon les époques.

            La France, dans cette période postcoloniale, « sous le couvercle de la guerre froide », cherche à se trouver une « mission », à maintenir son influence, quitte à animer une Françafrique ou à utiliser son bras armé, Elf Aquitaine, à se tromper au Cambodge, préparant (involontairement bien sûr) un prochain génocide.

            Avec le discours de La Baule, c’est sous une autre forme que la France, sous couvert d’espoirs dans une prochaine démocratisation, continue à imposer, avec d’autres pays occidentaux, ses standards de gouvernance. Dans le même temps apparaît une « nouvelle martingale de l’autoritarisme dans le monde arabe », la lutte contre l’islamisme, qui justifie l’appui à des régimes par ailleurs peu recommandables.

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            Une seconde partie est consacrée aux « anciens colonisés sous l’empire de leurs élites ».

            Car celles-ci ont confisqué à la fois la lutte contre le colonisateur et le tiers-mondisme qui constituait l’un des éléments de leur discours anticolonialiste. Elles ont fait miroiter à leurs peuples la citoyenneté, l’égalité, la liberté pour tous. De fait, elles maintiennent sous une tutelle inspirée des méthodes de l’ancien colonisateur les peuples décolonisés, les privant des libertés publiques, via des appareils militaro-policiers. À cela s’ajoute des maux nouveaux : la « quadrature du cercle, l’école pour tous », la « bombe démographique » qui conduit à la désillusion économique. Et, par voie de conséquence, le « vote avec les pieds » de ceux, nombreux, qui choisissent l’émigration (étant implicitement entendu que celle-ci conduit vers d’autres continents).

            Lesdites élites se sont employées à faire de leur État un bien patrimonial, à travers une évidente mainmise sur un « domaine public » autrefois artificiellement créé par le colonisateur au mépris des droits d’usage coutumiers. Ils ont également procédé à des nationalisations « socialistes ». La corruption généralisée aidant, tout ceci s’accompagne de mises à l’abri des biens spoliés à l’étranger.

            De ce point de vue, l’islamisme apparaît comme l’une des réponses, « entre frustration culturelle et revanche sociale ».  Cependant, les peuples restent soumis et les quelques opposants sont durement réprimés. Les « intellectuels » sont pris entre plusieurs feux, celui d’accepter volontairement leur servitude, de s’exiler ou de supporter la surveillance de leur liberté.

            Quand jaillissent, en fin de la période sous revue, « les espérances du printemps arabe », à partir de la Tunisie. Elles entraînent la chute de plusieurs dictateurs arabes, elles représentent un mouvement populaire inédit. Ni les gouvernants français ni les médias n’ont au départ bien compris de quoi il retournait. Mais ici, l’auteur ne conclut pas, il se pose des questions sur les perspectives d’un retour de « l’hiver islamiste » ou des véritables prémisses de révolution.

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            Une troisième partie revient sur La France, les Français et leurs anciennes colonies.

            Elle affirme une amnésie coloniale, une mauvaise conscience. Elle affirme tout autant « une nostalgérie du temps des colonies », et une nouvelle guerre des mémoires depuis 2.000. Elle constate « le rejet générationnel, l’ignorance de l’Afrique et les illusions tiers-mondistes », « l’Afrique vue de loin, entre mauvaise conscience, misérabilisme et sensationnalisme ».

            Pour étoffer le réquisitoire, sont également évoqués quelques comportements peu recommandables ou voués à l’échec : la captation capitaliste des matières stratégiques à faible taux de retour pour les populations, le « mythe du tourisme sauveur », autre forme d’exploitation, le plus souvent volatile et qui pervertit mœurs et folklore, déstabilisant ainsi les sociétés. Tout aussi peu recommandables, les dérives médiatiques d’une presse « aux mains des grands groupes industriels », trop souvent catastrophiste, voire vénale (les pages achetées dans des grands quotidiens nationaux ou des numéros spéciaux de revues par certains pays africains…).

            Cette troisième partie se termine par un chapitre intitulé « L’immigration, porte ouverte sur le monde ou bonne conscience européenne ? ». On notera bien sûr le point d’interrogation car après avoir évoqué plusieurs étapes de l’immigration de 1943 à nos jours, la réponse n’est pas claire. «…la mutation du territoire national en un « mixte franco-algérien » qui invalide et dépasse les identités nationales, prolonge le travail conceptuel de la déconstruction. Le projet colonial qui a échoué apparaît moins comme une utopie politique vouée à l’échec, que comme la preuve historique de la non validité des identités et des cultures nationales ». Le lecteur pourra légitimement s’interroger sur l’interprétation qu’il doit donner à la fois de l’intitulé du chapitre et au sens de cette citation. Non sans remarquer que l’ensemble relève plus de la seule confrontation entre France et Maghreb que de la confrontation générale entre colonisateurs et colonisés.

            Dans sa conclusion, après avoir salué le cas exemplaire d’une décolonisation apparemment réussie, celle des Indes britanniques, l’auteur qualifie de « tristes décolonisations » la décolonisation manquée, « à la française ». Les migrants qui viennent s’installer de l’autre côté de la Méditerranée « renonçant à transformer leur pays, ils le quittent dans l’espoir d’accélérer leur destin…Ne poursuivent-ils pas aussi des chimères coloniales disparues ? Comme si les deux droites de ces pays, colonisés et colonisateurs, mises en parallèle depuis la colonisation avaient tant de mal à se croiser ».

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            Le lecteur éprouve de la difficulté à porter un jugement objectif sur cet essai, plus « manifeste » que « livre d’histoire ».

            On ne citera qu’en passant certains commentaires ponctuels, par conséquent sans prétention à quelque exhaustivité que ce soit.

            C’est ainsi que l’appréciation très positive de la décolonisation à « l’anglaise » de l’Empire des Indes passe sous silence les drames auxquels elle a donné lieu, la partition non voulue entre Inde et Pakistan, les déplacements de millions de personnes et les massacres auxquels ils ont donné lieu, la querelle armée, toujours d’actualité, à propos du Cachemire.

            Parler de « Françafrique » n’est en soi pas inexact. Encore faut-il s’entendre sur le monolithisme de la formule ou son caractère composite. Car si pour l’opinion publique en général, le qualificatif évoque Foccart, la cellule élyséenne ou Elf, dans la réalité il y eut (et subsistent aujourd’hui, dans une moindre mesure) des « Françafriques » : celle du ministère du « pré carré » (ou secrétariat d’État, selon les époques) de la Coopération, celle du SCTIP (ou policière de coopération), celle des militaires elle-même subdivisée entre les militaires en coopération et les militaires en intervention ou sur bases implantées sur le terrain, celle des services de renseignement, celle des sociétés ou associations à caractère public de développement, voire dans certains cas d’ONG…, chacune avec ses logiques, ses objectifs propres, pas forcément coordonnées à travers une politique globale dont elles auraient été les artisans disciplinés.

            Que la France, avec d’autres partenaires occidentaux et multilatéraux (l’ONU et ses diverses agences, la Banque mondiale et le FMI, l’OCDE…) aient cherché à imposer et continuent à le faire des modèles de gouvernance, d’administration, d’économie etc., c’est un fait permanent depuis les indépendances. Que la France ait parfois, même souvent, une partition à plusieurs voix contradictoires est tout à fait exact. Qu’elle intervienne dans des zones géographiques où elle exerça autrefois sa souveraineté coloniale ne peut être contesté. Peut-on dire pour autant qu’à travers ses prises de position dans le multilatéral ou ses interventions sur le terrain, elle se positionne en prolongement de son ex tutelle coloniale ? Cela mérite à tout le moins débat, car les enjeux d’aujourd’hui, notamment géopolitiques ne sont plus de même nature que ceux qui présidèrent à l’expansion coloniale, notamment au XIXe siècle et dans les premières décennies du XXe.

            Plus fondamentalement, l’essai ou le « manifeste »sous revue semble vouloir démontrer qu’une colonisation mal fondée, achevée par une décolonisation « fiasco », a contribué, à elle seule, à maintenir muselés des peuples qui ne demandaient qu’à croire en un destin meilleur. Et dans sa conclusion, de confirmer l’arbre phylogénétique de l’introduction : « Cinquante ans après les indépendances, les printemps arabes ont reposé la question du Sud et des droits politiques de ses habitants. Les Français ont alors feint de découvrir la tyrannie, la souffrance et les frustrations de ces peuples du Sud. Cinq ans après, la question posée en 2011 est entière. L’indépendance des peuples, évoquée en 2011, après celle des États cinquante ans plus tôt, reste une promesse ».

            Dans l’abondante littérature qui concerne l’histoire coloniale, la « postcolonisation », les « subaltern studies », les problématiques du développement et de l’aide au développement, les bouleversements géopolitiques notamment fondés sur le renversement en cours des poids respectifs des populations du Sud et de celles du Nord, Pierre Vermeren apporte sa pierre. Comme on l’a vu, cette pierre, loin de représenter le caillou gênant dans la chaussure, pose bien des questions : fallait-il se concentrer autant sur le Maghreb, sur les caractéristiques et les incohérences des politiques coloniales dans cette zone, sur une complicité coupable entre élites ex métropolitaines et ex colonisées ?

            Est-il réellement exact qu’un silence coupable et gêné ait aveuglé volontairement la conscience des Français ? Alors que, sauf à être détrompé sur base objective, les historiens français ne se sont guère détournés, après 1960, d’écrire des ouvrages sur la colonisation et la décolonisation ou de parrainer des thèses y relatives. Faut-il expliquer un réel désintéressement de l’opinion publique en général par un oubli délibéré ou par le fait que ladite opinion publique est de plus en plus sensible ou sensibilisée aux questions d’actualité qui chaque jour ou presque se renouvellent ?

            Il y a certes eu, dans le courant des années 2000-2010, des querelles entre universitaires à propos de problématiques « post coloniales » découvertes deux ou trois décennies après le monde anglo-saxon. Elles n’ont touché le grand public qu’à travers des polémiques « mémorielles » provoquées par d’autres raisons que « coloniales » ou
« post coloniales », voire par des problèmes d’immigration ou de difficultés dans les cités populaires que certains ont voulu analyser comme l’héritage désagréable de la colonisation et du « fiasco de la décolonisation ».

            Autre question que l’on ne saurait esquiver : combien de temps a-t-il fallu à notre propre société française ou plus largement occidentale pour « libérer le peuple » pourtant formellement souverain et lui permettre de s’exprimer collectivement ? A la fin du XIXe, les Belges, lors d’une majorité socialiste, ont rendu le vote des citoyens obligatoire, sous peine de sanctions pénales. La principale raison était de contrer les grands maîtres de forge et les grands exploitants agricoles de Wallonie, qui postaient à l’entrée des bureaux de vote des sbires menaçants ou des « espions » notant qui de leurs salariés ou métayers usaient d’un droit supposé par définition contestataire.

            Comme on l’aura compris, le lecteur qui signe la présente note ne peut partager l’ensemble de l’argumentaire de Pierre Vermeren. Celui-ci pourtant ne relève certes pas d’un pamphlétaire simpliste, vu les questions posées et les prudentes réponses lorsque la nuance ou une honnête part d’incertitude conduisait à garder des points d’interrogation. Mais ledit lecteur ne peut cacher l’intérêt qu’il a pris à l’ouvrage, étant donné le dialogue muet mais approfondi entretenu tout au long de sa lecture avec l’auteur.                                                                                                    



 
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