Réalités et représentations de la violence en postcolonies

Recension rédigée par Jean Nemo


            Ouvrage collectif d’une vingtaine de contributeurs. Si la majorité des textes sont en français, la part de ceux écrits en anglais, en espagnol ou en portugais n’est pas marginale : sept, il est vrai surtout en anglais.

            On notera en préalable que les contributeurs, même francophones de culture, enseignent dans des universités nord-américaines (Canada et USA), à l’ULB de Bruxelles, à Bayreuth, à Rio de Janeiro, au Chili, en Argentine ou à Rome. Plusieurs néanmoins relèvent de l’Université de Perpignan, ce qui explique sans doute le choix de l’éditeur, les Presses universitaires de Perpignan. Donc, voici une série d’études ou d’analyses transfrontalières sur divers aspects du postcolonial.

            Comme il est de règle dans ce genre de symphonie à multiples registres, le lecteur se réfèrera d’abord à l’introduction puis à la conclusion des co-directeurs de la publication pour en saisir le fil conducteur.

            Ces co-directeurs proposent trois moments pour structurer l’ouvrage. Le premier d’entre eux concerne « l’articulation entre la violence écrite et la violence représentée ». Le second passe au registre des « ruses et des pratiques de la violence ». Le troisième enfin étudie « la violence à travers l’éthique et la justice ».

            Dans leur conclusion, sans vouloir ou pouvoir donner de « recettes miracles », ils proposent quelques pistes : transformer la justice, par nature institutionnellement violente, en une justice « réparatrice », qui réintégrerait à la fois le bourreau et la victime ; prendre au sérieux « les conditions du développement d’une technoscience émancipatrice » ; enfin, et ce n’est pas ici encourageant, cesser de confondre la réalité de la violence et la représentation biaisée qui en est faite avec la réalité tout court qui serait à l’origine d’une nouvelle violence.

            Il est bon de préciser que si violence il y a, et représentation par nature biaisée, cela vise évidemment la période coloniale mais tout autant la post colonie.

            Il n’est pas sûr que tous les lecteurs soient convaincus de la justesse de l’argumentation. Celle-ci, à tout le moins, paraît un peu compliquée par rapport au thème traité. Donnons acte cependant aux deux co-directeurs de ce que la réalité et la façon dont elle est perçue sont certainement deux choses fort différentes, pour autant que cette réalité existe en soi. Donnons leur acte également de ce que la violence est inhérente à toute société, qu’elle soit institutionnalisée ou non contrôlée. Mais une violence acceptée parce qu’institutionnelle est-elle encore une violence ? La réponse semble devoir être nuancée, plus que ne la présentent les deux co-directeurs.

            Quant aux pistes de sortie qu’ils proposent, elles relèvent en partie d’un acte de foi. À ce titre, elles sont respectables mais prêtent évidemment à discussion, celle qu’il appartient à chaque lecteur de mener au fil de sa lecture.

            Comme dans tout ouvrage collectif à nombreux contributeurs, il est difficile dans un compte-rendu de tout analyser. Cependant, on notera que leurs contributions portent essentiellement sur des analyses de textes ou d’ensembles littéraires (romans, essais, œuvres, littératures nationales..) et sont répartis selon les trois approches retenues et résumées ci-dessus. Ils traitent d’aspects locaux que le lecteur hexagonal ne connaît pas forcément en détail (Grandes et Petites Antilles, Amérique latine, Afrique évidemment, voire Allemagne en relation avec le catholicisme en Argentine).

            Le « postcolonial » est une notion d’origine d’abord anglo-saxonne, notamment nord-américaine. Elle a eu du mal à s’adapter en France pour des raisons qui mériteraient une analyse approfondie, car elle répond à une logique peu familière en France. Elle s’est beaucoup exprimée à travers l’analyse des littératures de contestation coloniale puis transfrontalières et souvent de contestation postcoloniale (c’est-à-dire critique des sociétés et des régimes « postcoloniaux »).

            Dans ce sens, le lecteur, pour peu qu’il s’intéresse aux larges horizons et aux lointaines perspectives trouvera un grand intérêt à ce tour d’horizon postcolonial. Et matière à discussion et réflexion.                                                                                                               



 
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