La mer et la France : quand les Bourbons voulaient dominer les océans

            Le livre que nous offre Olivier Chaline, professeur d'histoire moderne à l'Université de Paris-Sorbonne frappe d'emblée le lecteur, non seulement par son érudition mais par la variété des points d'observation qui le rendent radicalement original et révélateur d'une réalité peu étudiée jusqu'à présent.

            Cette histoire maritime n'est pas écrite depuis le seul rivage, mais depuis la mer
elle-même. Porté par le souffle d'une écriture superbe, le lecteur découvrira non seulement une France des marins, celle des vents et des courants, celle des estuaires, des phares, des côtes et des ports, mais aussi mais aussi une France des campagnes, des industries, des fleuves, des rivières, des canaux et des routes façonnée par la mer ou en fonction des activités par la mer. Une France d'outre-mer, enfin.

            Prévenons toutefois le lecteur non initié aux termes de marine que la beauté littéraire du texte ne masque pas son aspect scientifique. Il aura donc tout  intérêt à commencer sa lecture en parcourant les notes qui lui serviront de glossaire. De son aventure maritime, il sortira muni d'un vocabulaire de loup de mer pour lequel l'estran, le marnage, le mascaret, les cabestans, la cambuse, les darses et les amers n'auront plus de secrets. Il comprendra mieux les raisons des grandes victoires ou des grandes défaites navales, les caprices des mers et des vents, capables de fatiguer les gréements ou de balayer ces armadas que le Grand Turc ou l'Espagne croyaient invincibles : "N'entre pas qui veut dans la Manche venteuse..."

            Par des exemples concrets et multiples, fruits bien ordonnés d'un travail d'équipe justement remercié et jamais besogneux, on comprend aussi à quel point la manœuvre des vaisseaux et des voiles supposait la maîtrise de la physique des forces, des vecteurs et des centres de gravité. A quel point le commerce, les échanges et les différentes façons de compter en monnaies, en ballots ou en tonneaux, firent, au fil des siècles, progresser la mathématique des comptes, des volumes, des conversions, mais aussi des probabilités, des assurances et des modes de crédit.

            En bref, cette histoire maritime restitue à la notion d'outre-mer, la dimension héroïque d'une conquête préalable des éléments ; à la notion d'entre-prise, toutes les dimensions de la prise de risque en commun ; à la notion de changement climatique, enfin, le recul qui permet de mieux estimer nos responsabilités et nos limites actuelles.

            Au total, un livre superbe, à lire et à relire.