Histoire de l'islam radical et de ceux qui s'en servent

Recension rédigée par Christian Lochon


            Le Général Jean-Bernard Pinatel, breveté de l’École supérieure de Guerre est docteur en études politiques et auteur de plusieurs ouvrages de géopolitique. Cette Histoire de l'islam radical se divise en quatre parties : la naissance de l'islam radical, l'instrumentalisation de l'islam radical par les États-Unis et l'URSS/Russie, la perte de contrôle en partie volontaire de ce mouvement radical et enfin l'analyse de nos erreurs.

            Pour le préfacier, Pierre de Lauzun, «l'islam radical sous ses formes salafiste, wahhabite ou d'autres courants, est une composante régulière et résurgente de l'islam» (p. 4). L'auteur précise : «Nous faisons face à une guerre révolutionnaire mondiale à finalité religieuse, menée par les wahhabites de l’État islamique, d'Al Qaïda... et des Frères musulmans qui veulent par la prédication et une action coercitive de long terme, installer des États islamiques fondés sur la charia et les pratiques de l'islam du temps de l'hégire» (p. 9). De 2000 à 2014 les attentats de ces miliciens ont fait 35 000 morts et 100 000 blessés.

            Dans les années 1980, les États-Unis vont soutenir le Jordanien Abddallah Azzam, le Saoudien Ben Laden, le Pachtoun Gulbuddin Hekmatyar, dans leur lutte anti-soviétique en Afghanistan (p. 148) ; en 1994, Washington soutiendra les musulmans bosniaques armés par l'Arabie Saoudite qui leur envoie les armes par des avions iraniens ; en Bosnie, 6000 miliciens saoudiens et pakistanais massacrent femmes et enfants serbes (p. 170). La guerre de Bosnie servira de préparation à la perpétuation du conflit afghan, tchetchène, au déclenchement des guerres civiles en Irak et en Syrie, où les opposants modérés au Régime d'Assad ont revendu les armes fournies par l'Occident à Daech (p. 256).

            Le Président Alija Izetbegovic du Kosovo, membre des Frères Musulmans prônera le jihad armé ; il avait servi dans la division nazie «Khanjar». C'est que les Frères musulmans ont su tisser un réseau mondial exportant d’Égypte leur hiérarchie opaque (dirigeants puis militants puis sympathisants) et leur signe de ralliement (quatre doigts de la main levée et le pouce replié) symbolisant les quatre principes de base : l'islam, la sélection des militants, l'affrontement contre les adversaires et la prise de pouvoir (p. 101).

            De même, à Genève, en 1954, le Frère musulman Saïd Ramadan, père de Tariq, fonde le Centre islamique ainsi que la Fédération des associations des étudiants musulmans (p. 116). La branche armée des Frères musulmans va suivre les recommandations de l'agitateur Qutb qui se distancie de Hassan Al Banna en prônant la suprématie divine, la lutte révolutionnaire pour l'établissement mondial de la «Hakimiya», gouvernement uniquement divin (p. 122). D'où leur infiltration dans les luttes tribales libyennes à partir de 2012, suivie de l’allégeance à Daech des jihadistes de Derna. (p.239).

            Quant aux Wahhabites, M. Pinatel étudie leurs «califats» successifs, les deux premiers dans le Nedj, de 1744 à 1818, puis de 1824 à 1891, anéantis par les Ottomans, le troisième de 1902 à 1932, lorsque l’Émir Saoud s'impose à son rival l’Émir Hussein al Hachemi puis dissout les Ikhwans qui l'avaient porté au pouvoir en 1929 et proclame le Royaume Saoudien en 1932 (p. 29). Le quatrième califat «wahhabite» est celui d'Al Baghdadi, proclamé à Mossoul en 2014 et renversé en 2017 à Mossoul et à Raqqa (Syrie). Les Wahhabites pillèrent les villes saintes chiites d'Irak, massacrant la population de Kerbela en 1801, 1805, 1810.

            En 1817, Ibrahim Pacha, fils de Mohamed Ali, en 1817 assiégera et rasera Dariya, capitale des Wahhabites. La dynastie saoudienne régnant aujourd'hui à Riyad, toujours porteuse du wahhabisme, a participé à la guerre civile en Syrie depuis 2011 en soutenant des militants takfiris (islamistes) et en menant une guerre disproportionnée contre le Yémen, où les Zaïdites (45% de la population) entraînés par les Houthistes imamistes sont maîtres de Sanaa et accusés d'être soutenus par l'Iran.

            Les Américains ont infligé lors de leur occupation en Irak (2003-2011) de lourdes pertes humaines, soit des centaines de milliers d'Irakiens et 30 000 blessés, 5000 tués, 300 000 en situation de stress parmi leurs propres militaires (p. 208). Ils ne maîtrisent plus la situation en Irak et en Syrie, contrairement à la Russie, seul pays pouvant parler à tous les adversaires (p. 260). Les affrontements entre la Russie tsariste et l'Empire ottoman de 1568 à 1918 permettront à Moscou de conquérir la Crimée, les Caucase Nord et Sud (p. 185). La pénétration soviétique dans la région commence en 1956 (p. 134).

            Quant à la France, elle a développé une désastreuse gestion de la crise syrienne (p. 293). L'Europe est soumise depuis 1970 à une forte et continue immigration musulmane (p. 201) qui fera qu'en 2030, les Musulmans formeront plus de 10% de la population dans dix pays (France, Belgique, Bulgarie etc.). Déjà les Frères musulmans promettent aux politiciens européens la paix sociale dans leur fief électoral (p. 14), mais en France comme en Afghanistan, le lien a été démontré entre les petits caïds de la drogue et les djihadistes dans plusieurs dossiers terroristes (p. 302).

            La conclusion (p.305) constitue un résumé de la thèse du livre ; on en retiendra cette phrase explicite « Ce n'est pas l'islam qu'il faut combattre mais son interprétation radicale et politique que nous avons laissé diffuser dans les lieux de culte» (p. 311).

            Par contre, on regrettera une accumulation de fautes d'orthographe (19 graves) ou d'accord comme «écoles théologique chiite» (p. 44), de conjugaison comme «sorti» pour sortit (p.56), ou un verbe au pluriel précédé de «ils», le deuxième est au singulier (p. 152) ; on trouve «comme la dit le Compagnon» (p. 45). Les transcriptions de noms de personnes sont défectueuses comme «Abdulwallah» pour Abdel Wahhab (p. 12, 13, 15) mais écrit correctement en note (p. 15), «Solimam» pour Soliman (p.50), «Ikhwam» pour Ikhwan (p.130), «Kanaris» pour Kharijites (p309), «haddits» pour hadith (p. 284) et même « Alexandre Benningen» pour Bennigsen (p.139). Ces négligences pourraient laisser croire que l'auteur a dicté son texte ; il faudra pour la crédibilité de cet ouvrage, au demeurant très documenté, corriger ces fautes. Et également pour la respectabilité de l'éditeur, connu pour le haut niveau de ses collections.