Les Français et les États-Unis, 1789-1815 : marchands, exilés, missionnaires et diplomates

Recension rédigée par Élisabeth Dufourcq


 

            Cet ouvrage, comporte huit articles ou monographies originales présentées sous la direction de Tangui Villerbu, maître de conférences HDR en histoire contemporaine à l’Université de la Rochelle, auteur en 2014 d’un ouvrage intitulé « les Missions du Minnesota, catholicisme et colonisation dans l’Ouest américain » dont notre académie a déjà remarqué la valeur. Porté par la dynamique d’études novatrices qui se veulent transatlantiques, Villerbu a pris l’initiative d’associer des chercheurs des universités de Nantes, de Toulouse, de Bordeaux, de La Rochelle, de Northern (Illinois, Etats-Unis) et de Newcastle en Angleterre, à l’occasion d’une journée d’études qui s’est tenue le 13 novembre 2015 à La Rochelle. Notre académie ne peut que saluer cet effort de coopération interuniversitaire.

            Ceci d’autant plus que les sujets abordés sont à la fois pionniers et très actuels dans la mesure où ils peuvent éclairer la nature non seulement culturelle, linguistique et religieuse, mais aussi militaire, politique et commerciale, et plus globalement encore, anthropologique du dialogue franco-américain. A sa manière, chacun des huit articles publiés est éclairant sur ce point puisque l’histoire à laquelle chacun fait référence pourrait être écrite sur des registres différents. A titre d’exemples, en voici quelques thèmes :

            A qui revient, se demandent les magistrats de Paimpol, le « bénéfice légitime » de la prise d’un vaisseau tenu pour américain, « attaqué  sans raison » en 1799 par un vaisseau corsaire français commandé par un capitaine de Bréhat agissant pour le compte d’armateurs malouins associés à des Paimpolais ? Que signifient alors les termes d’« américain » et de « neutre » à une époque où tout bateau de commerce doit être aussi armé pour se défendre, presque à la manière d’un vaisseau de guerre ? Quelles sont les convictions et les intérêts réels des diplomates français envoyés Outre-Atlantique par l’Assemblée Constituante puis la Convention ? Plus généralement, que signifie la notion de « relation diplomatique » franco-américaine pendant la période de sept ans ( 1793-1800) qualifiée de « quasi-guerre » au cours de laquelle les vaisseaux américains peinent à prouver leur « neutralité » dans le conflit franco-anglais ? Que valent les termes de « droit naturel » ou de « réciprocité », au regard de la loi du plus fort (ou du plus corrompu) qu’imposent ces années de conflit et de gouvernement par le Directoire français ? Quel rôle trop oublié ont joué les émigrants de Saint-Domingue dans la construction d’une « francéité » en Louisiane ? 

            Pourquoi, à la Nouvelle-Orléans et sous le règne du roi des français Louis Philippe, l’ancien médecin de Napoléon est-il accueilli avec tant d’enthousiasme patriotique par un milieu français somme toute beaucoup plus disparate politiquement qu’on pouvait le supposer ?

            Autant de questions pertinentes, ouvrant sur des perspectives nouvelles mais qui, dans l’état actuel, ne peuvent être réduites à une recherche de typologie prématurée, artificielle ou conventionnelle.

            Au total, cet ouvrage se présente plutôt sous la forme d’une sorte de « dossier à facettes » ou de « puzzle en construction». De précieuses pépites archivistiques inédites et intelligemment exploitées laissent espérer que les auteurs trouveront ensemble un fil rouge, qui au-delà de la notion encore floue de « recherche transatlantique », les aidera à voir se dessiner en faisceau quelques lignes de force robustes. L’exploration des archives des banques et des congrégations religieuses permettrait sans doute de prendre du recul par rapport à une bibliographie américaine récente mais déjà quelque peu dogmatique par son souci prématuré de conceptualisation normative.

                                                                                        

NB : sans malice, on relèvera quelques impropriétés à corriger facilement dans une prochaine édition (« prérogatives » pour « prérequis » ; « oraison funéraire » pour « oraison funèbre » ; « qui se sont succédés » pour « qui se sont succédé »).