L'intervention française au Mexique (1862-1867) : un conflit inattendu, une amitié naissante : actes du colloque

Recension rédigée par Jean Nemo


Cet ouvrage est publié sous de nombreux parrainages, ils vont de l’ambassade du Mexique en France à plusieurs associations napoléoniennes (les deux Napoléon). Il fait référence à un colloque tenu en 2017 sous le parrainage de l’ambassade du Mexique à Paris et du Service historique de la Défense. Il ne s’agit pas forcément ici d’actes de colloques proprement dit mais de communications qui y furent exposées par leurs auteurs.

Dans les livres d’histoire français, notamment dans les manuels scolaires, au moins jusque dans la dernière moitié du XXe siècle, la politique mexicaine de Napoléon III a eu mauvaise réputation, même si du côté mexicain comme du côté français la bataille-défaite française de Camerone est célébrée comme un haut fait. Il en sera de fait question dans l’une des communications, comme des deux batailles de Puebla, peut-être moins connues que Camerone (celle-ci est devenue quasiment un « fétiche » de la Légion étrangère). Quatorze auteurs, français et mexicains, sont ici impliqués sans qu’il soit bien clair qu’ils furent seuls ou non dans le colloque de 2017.

L’ouvrage est intéressant à plusieurs titres. Tout d’abord parce que les contributeurs ont eu accès à des archives non publiées, au Quai d’Orsay ou ailleurs, ensuite parce que la plupart d’entre eux ont déjà publié un ou des ouvrages à ce propos.

On notera, pour ne pas y revenir, l’absence de tout appareil critique, à l’exception de notes de bas de page, il est vrai, abondantes et nourries de références bibliographiques. Quelques coquilles, par exemple p. 26, une erreur de cent ans : ce n’est pas en 1863 que le général De Gaulle se rendit au Mexique et y prononça en espagnol des paroles restées célèbres…Laissons-là ces remarques éditoriales de peu d’importance et intéressons-nous au fond.

L’ouvrage mérite la lecture car il marque une étape significative dans un mouvement de recherche, apparemment mené des deux côtés de l’Atlantique, sur l’aventure mexicaine du Second Empire napoléonien sur les traces d’un Second Empire mexicain. L’on sait que ces deux empires connurent une fin tragique.

L’avant-propos et la « Présentation » expliquent les objectifs du colloque de 2017 et détaillent la démarche qui y fut suivie, annonçant classiquement le plan de l’ouvrage. Celui-ci commence, dans une première partie, par un exposé détaillé de la politique étrangère de Napoléon III au Mexique.

Très classiquement, ce pays alors dirigé par le Président Juarez avait suspendu le paiement de sa dette – les choses ne sont pas nouvelles dans ce domaine. Ce qui avait provoqué l’intervention militaire, en 1861, des trois principaux pays créanciers, l’Espagne, la Grande-Bretagne et la France, celle-ci ne venant qu’en troisième position parmi les créanciers. Des ports mexicains sont militairement occupés, « sans rechercher aucune acquisition de territoire », par les trois « alliés » mais les deux premiers se retirent relativement vite. Du côté français, le Quai d’Orsay, réticent à cette aventure risquée, perd très vite tout contrôle d’une politique qui est désormais conduite par Napoléon III. Celui-ci poursuit plusieurs objectifs à propos d’un pays mal connu, supposé riche pour peu qu’il soit gouverné de façon moderne. En outre, le grand voisin du nord vient d’entrer, en 1861, dans sa Guerre de Sécession. Ce qui rend irréaliste, pour un certain temps, l’application des principes de Monroe.

D’autres préoccupations guident Napoléon III, « sortir le Mexique de l’anarchie grâce à un gouvernement stable », soit un empire face à la république de Juarez. Tel est l’objet de la seconde partie qui retrace le parcours tragique de l’empereur Maximilien et de son épouse Charlotte. L’on sait que le premier fut exécuté après trois ans de règne à peine, que la seconde sombra dans la folie.

Dans une troisième partie, les contributeurs traitent de « l’intervention militaire française » et de ses batailles emblématiques, soit une chronique au jour le jour.

La quatrième partie s’intéresse aux personnages. D’abord Juarez, pour qui l’exécution de Maximilien fut le signal qu’aucune intervention extérieure ne saurait être admise ; ensuite les « traitres », ceux qui se firent « complices » de Maximilien et des Français. Et surtout Bazaine, « un proconsul rapidement contesté ». Il fut aussi, guère plus tard, le triste héros de Sedan…

Un épilogue conclut ces contributions. Il relate les tentations mexicaines d’isolationnisme puis d’ouverture à nouveau sur l’Europe, vers 1884.

Une sorte d’addendum en annexe est consacré aux « soldats égyptiens au Mexique ».

On retiendra pour l’essentiel qu’aussi mal conduite militairement et politiquement qu’elle ait été, l’intervention française à cette époque fut l’un des éléments qui permit au Mexique de se constituer en nation. La France était traditionnellement considérée par les élites mexicaines comme la référence incontournable. Sa malheureuse intervention dans les années 1860 était l'en avait éloigné et bientôt les relations avec l'Europe s'affaiblirent et le Mexique devint l'un des pivots d'une politique des États-Unis, plutôt que d'être celui de relations avec l'Europe.

Comme il a été dit ci-dessus, cet ouvrage est fort intéressant à lire, d’abord pour son contenu que le lecteur généraliste peut sans honte avoir ignoré dans le détail, ensuite à cause des parrainages franco-mexicains dont il est le produit.