Les dynamiques de la Chine en Afrique et en Amérique latine : enjeux, défis et perspectives

Recension rédigée par Jean Nemo


Dans leurs « remerciements », les deux codirecteurs rendent un hommage appuyé à notre confrère récemment disparu, Philippe Hugon, pour « son œuvre immense », en lui dédiant l’ouvrage.

Toujours dans ces « remerciements », ils saluent les co-auteurs qui ont accepté que leurs contributions soient soumises à « une procédure d’évaluation par les pairs », lesquels et quelques autres ayant procédé de façon anonyme.

Enfin, ils remercient pour son appui financier l’Association belge francophone de Sciences politiques (ABSP).

Outre les deux codirecteurs, sept autres contributeurs ont participé à l’ouvrage, enseignants universitaires en Malaisie, en Uruguay, au Brésil, en Belgique, en France. On le voit, un panel diversifié…Une biographie sommaire leur est consacrée en début d’ouvrage. Pour ceux dont il a été possible de se procurer la bibliographie, il s’agit de sinisants, de bons connaisseurs de la situation sociologique et économique de la Chine.

Dans l’introduction, les deux codirecteurs précisent que l’ouvrage sous revue est le résultat d’un panel organisé en 2017 à Sciences-Po Paris, « Présences chinoises en Afrique et en Amérique latine : une coopération Sud-Sud ? ». Ils soulignent une approche méthodologique novatrice, ayant constaté « la faible littérature scientifique existante en la matière ». Ce qui fera sans doute sursauter plus d’un lecteur dépassé par l’abondante ancienne et actuelle bibliographie relative aux diverses ambitions et stratégies de la Chine, dont une bonne partie appartient à la « littérature scientifique ».

La lecture de l’ouvrage, en trois parties et huit chapitres est facilitée du fait que chacun de ces derniers est introduit, conclu et accompagné de sa bibliographie, ce qui permet au lecteur de vagabonder – au bon sens du terme – en fonction de ce qui l’intéresse. Ce qui ne l’empêche pas non plus de conserver une vue de l’ensemble.

Après ces remarques éditoriales, il est temps d’en venir au fond. On notera tout d’abord la différence de titre entre le panel de 2017 et celui de l’ouvrage : il n’est plus tellement question de « coopération sud-sud » mais dorénavant d’enjeux, de défis et de perspectives. On le verra en effet, les relations de la Chine avec l’Afrique et l’Amérique latine sont rien moins qu’intéressées, loin de toute forme de coopération au sens habituel du terme, encore moins d’aide publique au développement.

Dans leur introduction générale, les codirecteurs rappellent que la première attitude de la Chine, jusque vers la fin des années 1970, étaient de se poser comme leader de la « coopération sud-sud », dans un contexte de solidarité anti impérialiste et anti colonialiste. Aujourd’hui, ce serait plutôt de développement diversifié et décentralisé du commerce et des investissements.

La première partie décrit cette évolution et la situe dans une géopolitique depuis les années 1950, en y distinguant « quatre temps » pour l’Afrique : de 1949 à 1971, de 1972 à 1993, de 1994 à 2014, depuis 2014. La première de ces périodes est dominée par l’idéologie mentionnée ci-dessus ; la seconde est qualifiée de « non temps » : malgré la construction d’un ouvrage pharaonique en Zambie (chemin de fer), des changements idéologiques internes et mondiaux conduisent la Chine à une action africaine en demi-teinte. Puis vient le troisième temps, celui du retour vers l’Afrique, en raison d’une décentralisation chinoise qui permet des relations directes des provinces avec l’Afrique, la concurrence avec les firmes occidentales, le retrait relatif des puissances occidentales de la coopération africaine, celui de l’essor des « vingt glorieuses », où l’on voit une multiplication des échanges et des investissements ; le quatrième temps (depuis 2014) reste à évaluer parce que trop récente.

Cette première partie concerne également les relations Chine-Amérique latine. Un seul chapitre y est consacré ; intitulé « solidarité sud-sud ou Realpolitik ? ». Priorité y est donnée aux enjeux économiques.

La seconde partie décrit les « dynamiques de la Chine en Afrique : économie, sécurité et diplomatie publique ». Les relations économiques restent déséquilibrées, les principes de non-ingérence sont proclamés. On notera l’apparition de l’expertise chinoise dans l’analyse des modèles de développement.

La troisième partie concerne les relations avec l’Amérique latine. Elle est plus succincte que les parties africaines, elle concerne trois cas particuliers : le Mercosur, le Brésil, le Costa-Rica.

L’appareil critique de l’ouvrage est d’excellente qualité, on l’a déjà souligné et en fin de lecture on doit le confirmer. Un seul regret, la relative faiblesse des considérations sur les relations entre la Chine et l’Amérique latine, alors que, on doit le souligner, les relations entre la Chine et l’Afrique sont plus approfondies et plus convaincantes. Il est vrai qu’elles sont relativement plus anciennes et plus complexes, la présence chinoise dans certains pays ayant toujours paru singulière aux autres bilatéraux ou multilatéraux, le rédacteur de la présente note de lecture peut en témoigner.