La réinvention de l'écrivain francophone contemporain (2000-2012)

Recension rédigée par Guy Lavorel


Le titre même l’assure, on réinvente, comme on l’affirme beaucoup aujourd’hui. Nouvelle Querelle des Anciens et des Modernes à distinguer des Contemporains ? Ou, comme on dit dans les médias, du monde d’avant et du monde d’après ? Paul Aron dans sa préface rappelle les questions importantes. Ainsi : « Comment articuler des choix thématiques ou stylistiques, avec des exigences telles que l’engagement, l’identité ou l’originalité ? » Buata B. Malela veut ainsi définir ce qu’il appelle « l’écrivain afrodescendant francophone » du début du 21e siècle, donc une partie seulement du vaste monde francophone, mais bien essentielle.

En bon littéraire l’auteur présente trois chapitres : Le premier s’interroge sur « un monde subjectiviste ? ». On y retrouve des questions débattues, qui conditionnent la littérature francophone : l’identité, la post-colonisation, le communautarisme, l’indépendance, toutes questions qui ramènent au sujet et à ses rapports tant avec la société qu’avec l’écriture et son histoire.

Le deuxième aborde « les postures de l’écrivain francophone ». Cette réflexion se rapporte à deux auteurs principaux Léonora Miano et Alain Mabanckou. Posture « diasporale et francophone » d’abord, qui rend compte d’un monde et d’une entité plurielle et reliée à la francophonie ; posture « ambivalente » c’est-à-dire qui doit s’adapter à son appartenance multiple, son rattachement et sa critique ; posture médiatique qui montre la dépendance mais aussi l’usage obligé de ces moyens de communication ; posture subjectiviste posant la question de l’altérité renvoyant à Chamoiseau surtout et à son discours antillais sur le sujet, alors que Mabanckou offre une subjectivité de souffrance, dans un discours cependant différent.

Le troisième aborde alors le problème soulevé dès l’abord : « une esthétique contemporaine », mais en quoi ? C’est essentiellement dû au rôle des nouveaux moyens de communication, par rapport au texte, à internet, à une nouvelle écriture et à une nouvelle réception. En se référant à une production en rapport avec celle qu’on voit à Paris, l’auteur montre d’abord que l’œuvre est dépendante d’un paratexte nouveau et d’une représentation du sujet. Tour à tour il présente ainsi des œuvres de Miano et Mabanckou, Catherine Millet et Calixte Beyala, Chamoiseau. Il revient ensuite à Mabanckou pour montrer la « parodie du discours social », « selon une réflexivité, une écriture ambivalente, l’évocation de la culture populaire et du souci de soi ». On termine par une « parallaxe de l’immanence », donc conforme à de nouveaux points d’observation, dépendant d’une intériorité. L’étude est développée autour de trois références : Miano, Chamoiseau et Belaya.

La conclusion montre les grands précurseurs d’un renouveau, en insistant sur l’importance de la subjectivité.

Cet ouvrage a le mérite de donner une entrée particulière à la critique d’une littérature francophone en recherche. Bien appuyée sur des exemples où l’on comprend l’évolution d’une littérature tout autant que celle de l’écrivain par rapport à lui-même, dans un contexte en mouvement constant, c’est une approche intéressante de la complexité et de l’invention francophone, spécialement pour l’écrivain dit « afrodescendant ».