Politiques de l'accueil : États et associations face à la migration juive du Maghreb en France et au Canada des années 1950 à la fin des années 1970

Recension rédigée par Raoul Delcorde


Le jeune historien Martin Messika est l’auteur d’un ouvrage tiré de sa thèse de doctorat et consacré, pour en reprendre le sous-titre, à la migration juive du Maghreb en France et au Canada des années 1950 à la fin des années 1970.

Comme l’explique Messika dans son introduction “l’analyse comparée de l’action d’organisations visant à favoriser l’installation des migrants juifs du Maghreb en France et au Canada implique de travailler sur deux dimensions : la relation vis-à-vis des États et celle entre les associations et les migrants qu’elles aident”. A partir de l’analyse des archives du Comité d’action sociale israélite de Paris (CASIP) et de l’agence montréalaise Jewish Immigrant Aid (JIAS), l’auteur fait une étude comparée très intéressante des modalités d’accueil des immigrants juifs maghrebins en France et au Canada. Certes, il y a une différence quantitative notable entre les 235000 juifs qui émigrent en France et les 9 à 10000 juifs qui choisissent le Canada. Mais ce qui est particulier au Canada, c’est la politique discriminatoire qui prévalait dans les années 1950 et n’autorisait pas l’immigration des ressortissants du Maghreb. Ce sont les associations juives canadiennes qui vont négocier avec le gouvernement d’Ottawa et obtiendront la levée de ces mesures discriminatoires. La prise en charge des immigrants juifs par des familles canadiennes, dès leur arrivée, est un autre fait notable. Si l’insertion professionnelle des nouveaux immigrants se fait en général sans trop de heurts, leur insertion communautaire (ce sont des séfarades arrivant dans des communautés plutôt ashkenazes) et sociale est moins facile.

L’auteur consacre un chapitre fort instructif sur ce qu’il nomme les “portraits affectifs des migrants à Paris et à Montréal”. Ces émotions vont de la tristesse à la colère, parfois à la dépression, et mobilisent les assistantes sociales et les psychologues des agences d’aide aux immigrants juifs.

C’est donc une tranche d’histoire de l’immigration juive que nous livre Martin Messika. Un nombre important de juifs du Maghreb émigra également en Israël mais cette immigration-là fonctionna selon des modalités différentes et l’auteur ne l’analyse pas ici.

Ce livre aborde un sujet qui était encore mal connu et nous livre une analyse historique, politique et sociologique de qualité.