L'Europe et l'Afrique : conflits nationaux et coopérations régionales des indépendances à nos jours

Recension rédigée par Michel Lunven


L’Afrique subsaharienne a toujours été un espace d’étude privilégié du CRHIA. Ce centre a organisé en 2017, 2018 et 2019 trois journées d’études doctorales successives sur les crises et conflits en Afrique et notamment les relations entre les deux continents, l’Europe et l’Afrique, depuis les indépendances jusqu’au temps présent, avec le concours de doctorants de l’Université de Nantes et d’Abidjan. Ces contributions, sur trois thèmes, ont été rassemblées dans ce document.

1-Indépendances conflictuelles et interventions multiples au temps de la guerre froide

-Le retour des mercenaires au Congo (1964-1965) :

Ce pays traverse alors un climat politique et militaire de deux rébellions dans le Sud-Ouest : MAI-MAI et SIMBA. Le chef du gouvernement, Moïse Tshombe et plus tard Joseph Mobutu, devant la faiblesse de l’armée nationale, recrute de nombreux mercenaires, des « soldats de fortune » auteurs de nombreuses bavures, mutineries, dont l’argent reste la motivation principale. Leur action s’inscrit dans l’histoire conflictuelle de l’Afrique postcoloniale.

-La guerre du Biafra (Nigéria) :

 Le professeur d’histoire auteur de cette communication montre comment a été mise en œuvre la nouvelle politique africaine souhaitée par le général De Gaulle par une mobilisation d’une série d’acteurs dont les intérêts ne sont pas complètement convergents ni pleinement alignés sur ceux de l’État français. L’appui à la sécession relève principalement du pilotage par Jacques Foccart depuis l’Élysée et de ses réseaux sur le continent africain. Deux pays africains, la Côte d’Ivoire et le Gabon, appuient les sécessionnistes en fournissant des armes et en recrutant des mercenaires. Ceux-ci sont fortement liés aux réseaux Foccart mais ils ont leurs propres logiques et leurs propres objectifs.

-L’indépendance de Djibouti sous la protection de la France (1977-1982) :

Dans une corne de l’Afrique en proie à une profonde instabilité (irruption de l’URSS), les aspirations irrédentistes de la Somalie et les prétentions de l’Éthiopie à contrôler Djibouti, la France décide de déployer la Marine nationale au large de Djibouti pour assurer l’intégrité de ce territoire au moment de l’indépendance.

Grâce à l’assistance technique militaire, la France participe à la défense du jeune État.

-L’armée cubaine actrice de premier ordre dans le conflit angolais (1975-1901) :

 En novembre 1975, Cuba envoie 3000 hommes en Angola pour défendre son allié marxiste contre les invasions jumelles des forces sud-africaines et des troupes de l’UNITA au sud et des forces du FNLA au nord. Pour le rédacteur de cette communication, le rôle de Cuba dans ce pays est indissociable de celui joué par l’URSS. Sans l’intervention de Cuba (durant 16 années), il n’y aurait jamais eu de pouvoir marxiste en Angola.

2-Crises et conflits en Afrique depuis 1990

Depuis la fin de la guerre froide, l’Afrique connait de nouveaux conflits et de nouvelles menaces dans un contexte de mondialisation. Parmi celles-ci, le rédacteur de cette communication cite : une explosion démographique d’une ampleur inégalée, une croissance économique forte mais fragile, un développement politique en progrès mais encore source d’instabilité.

L’Afrique connait une nouvelle dynamique conflictuelle due à l’échec postcolonial africain dans les domaines de la gouvernance politique, économique et sécuritaire. Ces conflits opposent le plus souvent l’armée nationale à un ou plusieurs groupes armés et proviennent de trafics illicites : cigarettes, alcools, drogues, minerais, trafics d’êtres humains et plus tard la menace terroriste, la piraterie maritime (corne de l’Afrique, golfe de Guinée).

Pour faire face à ces menaces, les États et les organisations africaines, tout comme les organisations internationales, tentent de mettre en place des réponses communes qui restent insuffisantes pour surmonter ces difficultés.

Deux historiens de l’Université de Nantes et d’Abidjan reviennent sur l’un des principaux conflits qui frappent l’Afrique de l’Ouest dans les années 2000, la crise franco-ivoirienne, chacun dans une perspective différente. L’historien ivoirien tente de l’expliquer en présentant les origines et les manifestations du conflit en 2004, tout autant politiques qu’économiques (remise en cause de l’accord de coopération économique par le régime socialiste ivoirien, réaction négative de la France). Pour l’universitaire nantais, la crise franco-ivoirienne et l’intervention militaire française marquent la fin d’une période dans le rapport singulier de la France avec l’Afrique et la généralisation de l’internationalisation de la gestion des crises africaines avec sa recherche d’alliés. La lutte armée par les indépendantistes en Casamance est également évoquée, l’histoire d’une difficile sortie de guerre et de réconciliation à long terme.

3-La coopération économique de l’Afrique avec l’Union européenne

Les relations économiques entre l’Europe et les pays africains depuis les années 1980 ont été compliquées par l’éruption des contentieux politiques.

-La conditionnalité politique dans les rapports entre la CEE et la république sud-africaine, 1985-1986 :

 Dans les années antérieures, les pays de la CEE restent sur les principes de la protection de leurs intérêts et de la conquête de nouveaux marchés. A partir de 1985 est introduite la conditionnalité de leur coopération au respect des droits de l’homme. Ce n’est qu’au début de 1986 que les pays européens entament une série de négociations qui aboutiront aux premières mesures restrictives économiques ciblées contre la politique d’apartheid.

-Les évolutions de la politique de coopération au développement de la CEE dans les années 1980 :

L’une des premières nouveautés qui impose la subordination des aides au respect des droits de l’homme. Enfin, un autre facteur qui se manifeste dans les années 1980, élargissement géographique des rapports de la CEE avec les zones en développement du reste du monde, comme l’Asie et l’Amérique latine.

-Les partenariats traditionnels de l’Afrique à l’épreuve de l’irruption de nouveaux pays émergents :

Le besoin de visibilité dans l’arène mondiale conduit les pays émergents comme la Chine à se lancer à la conquête du monde. Leurs entreprises s’imposent dans bien des secteurs de l’économie mondiale à une vitesse qui n’a de limite que leurs capacités financières et leur soif de conquête.

L’émergence de nouvelles puissances engendre par définition des défis pour les puissances déjà établies. L’affirmation économique des pays émergents modifie l’équilibre géopolitique existant. Pour freiner l’avancée de ces nouveaux venus dans ce qui est appelé « le pré carré européen », il convient d’adopter une nouvelle politique du partenariat UE-Afrique. La stratégie européenne de reconquête et de protection de ses intérêts vise à appréhender le continent africain ni plus ni moins que comme un marché parmi d’autres et de traiter en conséquence.

L’évolution des coopérations décentralisées françaises au service de la reconquête économique européenne : remise en cause de l’aide au développement ?

La crise économique mondiale de 2008 qui chamboule les économies des pays pourvoyeurs classiques de l’aide au développement marque un changement considérable dans la coopération décentralisée. Les acteurs locaux français sont appelés à faire preuve de cohérence et de vision commune avec l’État pour une diplomatie démultipliée.

 


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