Le choix de l'Afrique : les combats d'une pionnière de l'histoire africaine

Recension rédigée par Jean Nemo


On ne fera point le reproche à un membre de l’ASOM, qui ne l’ignore évidemment pas, d’ignorer le rôle qu’a pu jouer cette auteure dans la connaissance de l’histoire de l’Afrique.

Outre les nombreuses décorations françaises et étrangères qu’elle a reçues, l’histoire de la colonisation et de la femme africaine dans le contexte colonial (avant et après) n’a pas cédé aux modes.

Elle a travaillé essentiellement à Paris (pour être sur la fin de carrière, à Paris-Diderot), elle publie à plus de quatre-vingts ans ce que l’on ne saurait considérer que comme un « testament ». Ou plutôt des « Mémoires », au sens propre du mot.

La quatrième de couverture commence agressivement par un reproche à l’ex président Sarkozy qui, en 2007, déclarait à Dakar : « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez rentré dans l’histoire », traduisant une contre-vérité. Revanche de la spécialiste sur les « Bandar-logs ». 

Trêve de plaisanterie, revenons à ce livre de souvenirs. Car sur le plan intellectuel et universitaire, elle n’a plus rien à démontrer. Sauf des « mémoires » personnelles, où l’on découvre que sa famille maternelle fut de la « haute » juiverie, ce mot étant à prendre avec des pincettes. Comment une fillette telle que Catherine Coquery, après sa naissance, fut-elle amenée à être une spécialiste universitaire reconnue de l’Afrique ?

Tel est l’objet de ces « Mémoires », que le lecteur prendra grand intérêt à au moins parcourir. C’est au moins le cas du recenseur d’à peu près le même âge que l’auteure ici commentée, et qui connut, par des voies différentes, bien des évènements, bien des auteurs cités, non des moindres, et naturellement dans un Hoggar lointain, les affres du terrain. Et des mésaventures enfin, que je ne résiste pas à raconter.

Un jour, entre Noël et le jour de l’An, en permission vers ma famille, je me dirigeais vers une lointaine banlieue d’Alger, déjà vêtu en civil, où l’on m’avait recommandé un bon restaurant. Je fus abordé par un jeune homme qui me proposa de m’emmener au bordel, et devant ma surprise indignée, s’inclina poliment en me priant de l’excuser. L’assistance composée de badauds banlieusards arabes ou kabyles s’esclaffa car le garçon parsemait, sous une apparence respectueuse, des injures innommables. Je lui répondis en arabe que je connaissais bien, le même genre d’injure. Les badauds rieurs furent nombreux à changer de camp. Le plaisantin sauva la face en s’exclamant en bon français « il parle comme un nègre ». Mon usage de l’arabe que j’avais appris dans des lieux convenables et dédiés y était sans doute perturbé par ma fréquentation des campements touareg et autres rares centres de culture du Hoggar.

Trêve de plaisanterie enfin. Revenons aux choses sérieuses, l’ouvrage sous revue mérite mieux que des anecdotes puisées dans des souvenirs personnels du recenseur.

Dans son introduction, l’auteure explique pourquoi, jeune historienne, elle a « choisi l’histoire de l’Afrique ». Elle conclut cette introduction par le paragraphe suivant :

« Cela me permet, en conclusion, de tenter un point sur ce temps relativement long de l’histoire africaine de langue française qui est loin de se limiter à l’héritage dont je fais état ici ».

Suivent trois parties : « De l’enfance clandestine au choix de l’Afrique (1940-1960) » - « L’Afrique et les années 68 » - « L’ouverture sur le monde ».

Ainsi reliées, avec des titres parleurs, aux mondes contemporains, surtout dans leurs luttes essentiellement universitaires, contre le racisme. D’où le sens profond de l’ouvrage, rappelé plus haut, des « mémoires » parlantes.

On admettra, en particulier, que le rappel de l’ascendance juive de cette auteure justifie le « Choix de l’Afrique ».