Le vazaha du prince.1, Des aventures de Joseph Lambert (1824-1873)

Auteur Pascale Moignoux
Editeur Lemme edit
Date 2021
Pages 297
Sujets Lambert , Joseph
1824-1873

Roman
Cote 64.673
Recension rédigée par Philippe David


Quelle curieuse et fulgurante existence que celle de ce Joseph Lambert, humble petit Breton né à Redon en 1824, rapidement devenu planteur, armateur et homme d’affaires richissime de Maurice à la Réunion et des Comores à Madagascar avant de mourir, en 1873, sur l’île de Mohéli entre une petite reine encore inexpliquée et un vieux complice et compagnon jésuite.

            Ceci dit, la “biographie romancée” que lui consacre Pascale Moignoux est assez déconcertante puisqu’elle s’ouvre à la veille de son décès (septembre 1873) pour s’achever brutalement... en 1855, dix-huit ans plus tôt ! Mais un second tome nous est promis qui nous racontera la suite de sa vie... et nous expliquera probablement aussi le titre, pour l’instant mystérieux, de l’ouvrage. En attendant, ce premier tome, résolument très original, juxtapose en vingt chapitres les étapes marquantes des premiers trente ans (1824-1855) de la vie du héros, chacune jumelée avec un dernier instant de souvenir, de dialogue ou de réflexion avant la mort qui s’approche.

             Le préfacier, historien réunionnais, signale, autre originalité, que l’autrice s’inscrit dans une tradition réunionnaise bien attestée déjà depuis l’abolition de l’esclavage en 1848 mais peu ou mal perçue, voire ignorée en métropole : le roman historique, très nécessaire et très original, “qui parfois éclaire des épisodes que le récit historique n’a pas su regarder”.... A la Réunion et pour l’océan indien, “le roman est essentiel à l’histoire comme l’histoire est essentielle au roman... d’abord en dialogue constant avec la société dans laquelle ils prennent corps”. Les Marius-Ary Leblond puis d’autres auteurs réunionnais en ont donné la preuve depuis un siècle.

            Forte de cette légitimité, consciente de cette mission, Pascale Moignoux leur fait suite et son “avertissement” annonce les très belles pages “romanesques” qui suivent, vingt fois entremêlées, illuminant la vie, longtemps triomphante, de Joseph Lambert et ses derniers instants.

A l’évidence, la “discussion d’outre-tombe” qu’elle affirme avoir déjà eue avec lui aura directement inspiré les poignantes, émouvantes réflexions... de pré-tombe qu’elle imagine vingt fois, en 1873, à Mohéli.

“ Etonnant destin, ambition démesurée, indéniable charisme...”

A côté de Lambert, dans son sillage, à son service ou en travers de ses projets, revivent évidemment ici d’autres personnages plus célèbres et mieux connus : la redoutable et cruelle reine Ranavalona 1ère du haut de ses terrasses ; son fils Rakoto, “frère de sang” de Lambert, devenu Radama pour lui succéder mais qui ne lui survivra que deux ans ; Jean Laborde, industriel multiple au service de la reine ; l’aventurière exploratrice autrichienne Ida Pfeiffer ( dont le séjour à Madagascar dans le sillage de Lambert d’avril à septembre 1857 fut assez mouvementé )... et même Napoléon III. 

            Certes, nous savons déjà, par les seuls historiens, ce qu’il est advenu d’eux et surtout de cette audacieuse et prématurée Charte Lambert d’abord proposée en vain à la Grande Ile en 1857, reprise un peu plus tard, rachetée 240.000 piastres et finalement annulée et brûlée. Mais il est urgent et nécessaire que le second tome achève de nous le raconter avec le même souffle, avec la même richesse d’âme et d’expression, que le premier.

            Notons - car c’est toujours fort bienvenu quand il s’agit de la langue malgache - qu’un petit lexique en fin d’ouvrage juxtapose à une bonne cinquantaine de mots malgaches/malagasy non pas leur traduction en français mais leur prononciation correcte.