Rivage de la colère : roman

Auteur Caroline Laurent
Editeur Les Escales
Date 2020
Pages 412
Sujets Chagos (îles)
Histoire

Roman français
Cote 63.050
Recension rédigée par Jean de La Guérivière


Ce roman commence par une carte : celle de l’archipel des Chagos, à quelque 2500 kilomètres au nord-est de l’île Maurice ; l’archipel qui comprend Diego Garcia et sa base américaine ; celui dont la souveraineté est revendiquée par Maurice et dont un avis consultatif de la Cour de justice internationale de La Haye, en date du 25 février 2019, a dit que son administration par le Royaume-Uni devait « rapidement » prendre fin, sans fixer de délai.

Caroline Laurent, jeune femme franco-mauricienne, ne raconte pas toute l’histoire compliquée de Diego Garcia, composante du Territoire britannique de l’Océan Indien qui réunit en 1965 des possessions éparses et fut administré depuis les Seychelles, jusqu’à l’indépendance de celles-ci, en 1976. Elle ne souligne pas le paradoxe qu’il y a, pour les très anticolonialistes États-Unis, à occuper, jusqu’en 2036, une base située sur la dernière création coloniale du Royaume-Uni, ce « Territoire britannique » qu’on dirait créé pour la circonstance. Mais, parce que Diégo Garcia fut vidé de ses habitants pour faire place aux militaires américains, l’île Maurice l’ayant abandonné aux Britanniques en échange 3 millions de livres sterling, l’auteure romance une douloureuse histoire familiale.

Rivages de la colère donne la parole à Joséphin Neymorin, fils naturel d’une « îlienne » à peau foncée, Marie Ladouceur, et du créole Gabriel Neymorin, un Mauricien venu seconder l’administrateur colonial de Diego Garcia en 1967. Joséphin raconte la séparation forcée de ses parents lors de l’évacuation des populations autochtones, leurs retrouvailles à Maurice, bien des années plus tard, leur nostalgie du sol où ils se sont aimés malgré leurs différences culturelles et sociales. Nommément désignés, quelques personnages bien réels apparaissent dans cette fiction : sir Seewoosagur Ramgoolam, à la tête de Maurice après l’indépendance ; Gaëtan Duval, grande figure politique de l’île ; le journaliste américain David Ottaway, qui s’intéressa un temps à l’imbroglio de Diego Garcia. Mais l’essentiel du roman n’est pas là. « Est-ce qu’ils reconnaissaient la beauté de leur île, au moins ? Sa pureté ?  Sa fragilité ? », se demande Gabriel Neymorin. Telle que la question est posée, on ne sait pas si elle concerne les occupants américains de la base ou les anciens habitants. Gabriel, en tout cas, a des souvenirs précis : la plage, « les vapeurs de coprah chargées d’iode ».

Les beautés de l’île Maurice ne sont pas omises, même si celle-ci est une terre d’exil pour les Chagossiens. Le lecteur qui connaît les lieux retrouve avec plaisir les nénuphars de Pamplemousses et le parler « franco-mauricien » dont l’auteur a l’habileté de parsemer les dialogues. Ce roman inspiré par une curiosité de l’histoire postcoloniale trouve parfaitement sa place aux éditions des Escales, maison du groupe Editis qui veut « inviter au voyage par le seul pouvoir des mots ».