Les voyageuses de l'océan Indien : XIXe-première moitié du XXe siècle : identités et altérités

Recension rédigée par Josette Rivallain


Cet ouvrage collectif publié dans une jeune collection des éditions universitaires rennaises nous convie à lire et relire les récits rédigés par les voyageuses ayant circulé sur l’Océan Indien, dans ses îles et sur ses rivages à une époque où ce n’en était pas une habitude, interrogeant l’imaginaire, les préjugés, l’image de l’autre et d’elles-mêmes qu’elles pouvaient alors véhiculer.

Au cours du XVIIe siècle, quelques récits et surtout des lettres avaient été rédigés par des femmes, écrits à l’intention de leur famille quand elles devaient quitter la terre lointaine où elles avaient vécu pour rejoindre leur mari en France. L’écrit était alors un moyen d’entretenir les liens familiaux. Ici, il s’agit de véritables exploratrices célèbres ou non, circulant hors des circuits habituels de déplacement. Elles étaient considérées comme des excentriques à une époque où les femmes se devaient d’être sédentaires et certaines d’entre elles y ont circulé plusieurs fois, les récits ayant été rédigés après coup.

Dans ce livre de récits, trois peuvent être répartis sur trois périodes : du début du XIXe siècle à 1870, de 1870 à 1930, puis, la période postérieure à 1930. Parmi ces femmes peut être citée Rose de Freycinet, déguisée en homme, dont le mari, capitaine de frégate, venait d’être désigné par Louis XVIII pour mener une expédition autour du monde. Elles portèrent un regard différent de celui des hommes sur des rencontres inhabituelles pour l’époque, et leurs textes reflètent les stéréotypes de l’Europe d’une époque, les préjugés à l’égard des populations locales, toutefois avec des réflexions inattendues sur la description de l’autre. Car elles apportent avec elles les préjugés de leur milieu social, de leur religion qui ne sont pas obligatoirement identiques à ceux des hommes. Au final, déstabilisées par les réalités neuves qu’elles vivent, le récit leur permet d’établir une distanciation par rapport à leur nouveau vécu et de disposer d’une autre vision de l’autre.

Pour la période la plus récente, les voyageuses apparaissent très autonomes et organisées, souvent nanties d’un métier, et souvent du soutien d’un organisme. Ceci est un témoignage de l’émancipation et de la professionnalisation des femmes, du développement de l’écriture politique sur l’océan Indien, et de la prise de conscience des enjeux territoriaux constitués par ces espaces.

Ce livre a établi une sélection de récits de voyages dans l’océan Indien car nombre de femmes se sont rendues dans ces espaces à l’écart des autres, jusque dans l’Antarctique, ainsi l’analyse de textes de certaines catégories de femmes en est absente, telles les missionnaires.