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Régimes et stratégies de change dans les pays en développement

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Recension rédigée par Philippe Hugon


Les travaux de Sylviane Guillaumont Jeanneney font autorité dans le domaine monétaire et de la politique économique notamment de change. Ils sont au cœur des recherches académiques mais également des expertises pour les décideurs tout en étant d’une très grande clarté pédagogique.

L’ouvrage expliqueen quoi la stratégie de change fait l’objet de vifs débats. Il illustre les stratégies cambiaires et les politiques économiques par les pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Il montre comment la pertinence des stratégies dépend à la fois des caractéristiques des pays et de la conjoncture mondiale. Celle-ci s’est profondément transformée depuis le flottement des monnaies des pays industriels. Les pays en développement sont caractérisés par plusieurs traits spécifiques : la variation des devises dépend essentiellement du mouvement des capitaux et faiblement des mouvements de marchandises ; les marchés financiers sont peu approfondis et les actifs financiers peu diversifiés; les exportations de produits primaires conduisent à des maladies hollandaises et à de fortes fluctuations des taux de change réel.

En Afrique, les principaux régimes de change sont : le régime de flottement libre (Somalie), les Unions monétaires (UEMOA, CEMAC) avec régime de change fixe conventionnel (attachement des monnaies les deux francs CFA, à l’euro et contrôle des mouvements de capitaux au sein de la zone franc, la zone rand réunissant des Etats ayant passé des accords de coopération monétaire afin de stabiliser les taux de change bilatéraux., les accords de coopération monétaire (Cap-Vert et SaoTomé et Principe avec le Portugal), la dollarisation partielle ou intégrale (Angola, Djibouti, Zimbabwe).

De nombreux Etats africains et unions régionales ont pour projet une monnaie unique au niveau régional (ex de l’EAC ou la CEDEAO) voire africain. Celle-ci évite l’instabilité des taux de change entre les pays membres et favorise les échanges de biens et services de capitaux. Elle accroît la confiance mais elle interdit des politiques contra-cycliques, suppose des mécanismes de solidarité entre les pays membres. La théorie des zones monétaires optimales montre que les conditions requises sont la flexibilité des prix et des revenus, l’ampleur des échanges intra-régionaux, la mobilité des facteurs.

L’ouvrage, mobilisant des éléments factuels et des arguments théoriques, est construit en trois parties :

-          la première présente les choix possibles entre différents régimes de change que le FMI estime à plus de 10. Les pays en développement optent dans leur grande majorité pour une action volontariste du taux de change avec plus ou moins flottement libre et intervention de la banque centrale. Aucune solution n’est a priori optimale. La fixité du change, instrument de stabilité monétaire présente des risques de surévaluation de la monnaie et de fluctuations de l’économie réelle. Les autorités monétaires sont prises dans le dilemme entre une politique d’ancrage monétaire ou une politique de taux de change plus flexible propice à la compétitivité de l’économie.

-          la seconde analyse les conséquences de la variation du taux de change sur la croissance et la pauvreté en mettant en avant l’indicateur du taux de change réel.

-          la troisième présente les résultats des stratégies de change adoptés par les pays en développement.

L’ouvrage, très bien informé et fondé théoriquement est d’une remarquable rigueur analytique, Il sera d’une très grande utilité pour les économistes théoriciens et praticiens, les étudiants et chercheurs en économie et les décideurs politiques des pays en développement. Il répondra moins à l’attente d’autres sciences sociales, de chercheurs raisonnant en termes non monétaires et ignorant la monnaie ou privilégiant les questions politiques de souveraineté monétaire, de confiance et de légitimité de la monnaie.