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Les monnaies des fouilles du Centre d'études alexandrines : les monnayages de bronze à Alexandrie de la conquête d'Alexandre à l'Égypte moderne

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Recension rédigée par Henri Marchal


Les fouilles entreprises par le Centre d’Études Alexandrines (CEAlex) ont livré un lot de monnaies dont 3529 ont pu être identifiées et étudiées par le Pr. Olivier Picard et son équipe. Presque exclusivement en bronze, ces monnaies reflètent les productions de l’atelier monétaire d’Alexandrie depuis sa création par Ptolémée Ier et les formes de leur utilisation jusqu’à l’époque moderne.

- 1. Le monnayage en bronze mis en place par les Lagides (315 av. J.-C.) pour son utilisation en Égypte est frappé dans l’atelier central d’Alexandrie (comme pour l’or et l’argent). Il représente près du tiers du lot analysé. La période ptolémaïque est jalonnée de réformes qui répondent au besoin de mieux gérer le rapport argent/bronze. D’abord, avec l’introduction d’un taux de change, le pouvoir libératoire des monnaies de bronze est dissocié de celui des monnaies d’argent. Puis par la réforme monétaire instituée en 197 av. J.-C., le système sexagésimal grec fondé sur la drachme et l’obole est abandonné pour une comptabilité en unité de compte selon un système décimal davantage accordé à la tradition égyptienne. Connue par les papyrus, la flambée de prix, qui y est liée, semble devoir être interprétée moins comme un phénomène d’inflation que comme un mouvement de défiance vis-à-vis de l’autorité émettrice de la monnaie.

- 2. Les monnaies grecques trouvées à Alexandrie comptent parmi les plus anciennes. Leur grande variété d’origine géographique laisse entrevoir l’effervescence d’une ville en construction où se sont retrouvés des Grecs venus de l’ensemble du monde hellénisé. L’instauration d’un monnayage de bronze spécifique a naturellement entraîné la raréfaction des monnaies étrangères dans un système monétaire fermé.

- 3. Deux périodes se distinguent dans le monnayage impérial romain. La continuité caractérise la politique d’Auguste qui inaugure une frappe en bronze propre à la province, introduit les monnaies de billon et établit un nouveau système de comptabilité. L’ancienne appellation par « unités en numéraire de bronze » est remplacée, non par des termes latins, mais par le retour à une dénomination en oboles.

Il faut observer que l’échantillon romain d’Alexandrie est très différent de ceux fournis par les autres trésors monétaires. La circulation monétaire a été affectée par la nouvelle utilisation du blé collecté par l’impôt qui n’est plus vendu mais envoyé en nature à Rome pour l’annone.

La fermeture monétaire de l’Égypte est maintenue jusqu’à la réforme de Dioclétien. En 295, Dioclétien décrète l’unification monétaire de l’Empire romain et introduit une nouvelle pièce en bronze, le nummus. Alexandrie reste un atelier monétaire plus ou moins prépondérant face à Antioche et à Constantinople. Le brassage des monnaies (constaté pour la période avec la moitié du lot étudié) devient évident à partir de 312.

- 4. Le monnayage byzantin commence avec la réforme de la monnaie de cuivre et l’émission de multiples du noummion décidées par Anastase (498), sans effets véritables en Egypte. Seule la monnaie frappée en Égypte est utilisée dans la ville et le pays. La prise d’Alexandrie par les Arabes ne marque pas l’arrêt immédiat des émissions en Égypte, l’administration étant restée aux mains des chrétiens.

- 5. Les monnaies islamiques découvertes servent à tracer un canevas sur lequel se dessinent douze siècles d’histoire numismatique à Alexandrie depuis la conquête arabe (642), qui la plonge progressivement dans le déclin. Les deux principaux groupes de monnaies sont celles de l’époque mamelouke et des époques ottomane, puis khédiviale. Les quelques monnaies antérieures sont essentiellement umayyades.

L’étude précise de ces monnaies par époques indique qu’elles offrent un échantillon représentatif des numéraires de bronze en usage dans la circulation monétaire courante à Alexandrie. Servant aux petits échanges elles ont beaucoup circulé ainsi que l’atteste leur degré d’usure. Pour l’identification de leur valeur d’échange, il apparaît que parmi les critères de caractérisation des monnaies les règnes, le poids et le diamètre importaient moins que les types. Telles sont les conclusions de ce travail aussi minutieux que remarquable qui éclaire dans sa durée la vie économique alexandrine.