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Colloques Comité de Vigilance pour une Paix réelle au Proche-Orient (CVPR-PO)

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Recension rédigée par Christian Lochon


Les Actes des trois colloques successifs (2015, 2018, 2019) organisés par le Comité de Vigilance pour une Paix réelle au Proche-Orient (CVPR-PO) en partenariat avec Orient XXI ont été collationnés par Maître Maurice Butin, président du CVPR-PO et M. Alain Gresh, directeur du journal en ligne Orient XXI. Ces trois volumes rassemblent une quarantaine de communications présentées par des intervenants français, israéliens, palestiniens et de différentes nationalités européennes ou arabes, dont certains ont participé à deux ou trois colloques. Les thèmes principaux sont repris dans plusieurs communications.

La Grande-Bretagne reçut le mandat sur la Palestine de la S.D.N. en 1922. Les Palestiniens se révoltent en 1929, puis de 1936 à 1939 où 5000 Arabes, 300 Juifs, 262 Britanniques sont tués. La Résolution n° 181 de l'ONU partage la Palestine en accordant 56% du territoire aux Juifs (1/3 de la population) où résident 500 000 Juifs et 438 000 Palestiniens. En 1948, 85% de la population palestinienne autochtone est expulsée hors d’Israël; les habitations non détruites furent déclarées «biens vacants» (Zoabi 2019). En 1948, Gaza est occupé par l’Égypte puis en 1956 par Israël; la Cisjordanie est annexée à la Jordanie. En 1967 Israël occupe Jérusalem et la Cisjordanie. En décembre 1987, au cours de la première Intifada, 400 Palestiniens sont tués, 25 000 blessés, 10 000 emprisonnés. En 2001, l’armée israélienne réoccupe Ramallah, détruit en partie la résidence du Président Arafat, placé dans une situation humiliante (Khader 2018). En 2019, sur une population totale en Israël de 8, 8 millions, 1,8 sont palestiniens. La Cisjordanie compte 2, 7 millions, Gaza  1,9 million de Palestiniens. La diaspora palestinienne atteint 12 millions de personnes (Balawi 2015).

L’origine d’Israël depuis 1897, selon La Charte Sioniste est la volonté de créer en Palestine un État. La Déclaration Balfour de 2017 en tient compte en suggérant la mise en place d’un Foyer National pour le peuple juif. L’Organisation Sioniste Mondiale de 1922 à 1929, puis les Agences spécialisées comme le Fonds National Juif vont acquérir des terres réservées à des propriétaires et à des ouvriers agricoles uniquement juifs, mais qui, en 1946, ne couvriront que 7% de l’ensemble de la Palestine (Butin et Awad 218). Citant l’historien israélien Schlomo Sand «Le projet sioniste ne supposait pas l’idée d’englober les indigènes. L’État ne pouvait être que raciste», le Sénateur P. Savoldelli constate qu’aucun village n’a été construit pour faire vivre Juifs et Arabes ensemble (2019). La Déclaration d’indépendance du 14 mai 1948 stipulait que «l’État assurera une complète égalité des droits sociaux et politiques à tous ses citoyens sans distinction de croyance, race ou sexe». Or, si tout Juif dans le monde peut obtenir la nationalité israélienne, les habitants non-juifs de Jérusalem sont privés de toute citoyenneté et considérés comme apatrides (El Herfi 2019). Actuellement les personnes qui quittent Israël le font pour des motifs économiques et ceux qui immigrent pour des motifs politiques, religieux, eschatologiques (Avraham Burg 2019). La charge de l’occupation, les dépenses énormes pour la sécurité font d’Israël un des systèmes économiques les plus inégalitaires du monde, ayant un taux de pauvreté les plus élevés d’après l’OCDE (S. Herver 2015). Pour Rita Khalaf (2019), citant un député israélien « le principe d’égalité repose sur l’égalité des membres d’une même communauté entre eux et non sur l’égalité entre les communautés».

M.Peled (2018) a dépouillé une trentaine de manuels scolaires d’histoire sur la période 1994-2017. L’élimination des Palestiniens et autres non-Juifs vivant en Israël, le concept sioniste d’une nation ethniquement pure et le droit historique d’Israël fondé sur la Bible y sont légitimés. Le cauchemar démographique expliquerait ainsi les massacres commis depuis Deir Yassine en 1948 jusqu’à Gaza en 2014.

Après sa victoire de 1967, Israël a divisé les zones d’occupation en trois zones; la Zone A qui englobe les agglomérations palestiniennes riches d’activités; la Zone B, les districts ruraux, où les Israéliens conservent les organismes de sécurité et une Zone C, administrée par Israël et qui comprend 150 000 Palestiniens et 350 000 colons. C’est ce qui fait dire à Martine Brizemur (2019) que la colonisation illégale de la Cisjordanie est en contradiction avec l’article 49 de la 4e Convention de Genève qui stipule qu’il est interdit à une puissance occupante d’installer sa propre population dans les territoires qu’elle contrôle. Israël a signé des conventions qui l’engagent, le Pacte International pour les droits civils et politiques (PIDCP), le Pacte International pour les droits économiques, sociaux, culturels (PIDESC). La restriction à l’accès de l’eau, les détentions administratives, les terrains coloniaux réservés exclusivement aux citoyens juifs, l’infrastructure routière construite pour la seule utilisation des citoyens juifs à l’exclusion des autres, les ressources naturelles allouées aux Colons représentant huit fois celles destinées aux Palestiniens, constituent les violations de ces engagements. 60% de la Cisjordanie est sous le complet contrôle d’Israël et 700 000 colons résident à Jérusalem Est et en Cisjordanie (Badoun 2019). Les non-Juifs sont exclus de 93% du territoire où ils ne peuvent ni acheter, ni louer un terrain (Zoabi 2019). Pour Algazi (2019) «Les Palestiniens sont simultanément des citoyens et des ennemis de l’intérieur. L’État discrimine en toute légalité les citoyens arabes». Pour la psychanalyste Samah Jaber (2018) «Un tiers des pères Palestiniens a connu la prison depuis 1967. Israël discrédite tous ceux qui seraient en mesure d’incarner une figure paternelle».

Les résolutions du Conseil de Sécurité n° 242, 465, 476, 478, 2344, sur ses agissements dans les territoires occupés ont toutes été refusées d’exécution par Israël. La Jordanienne Rima Khalaf (2019), qui fut Secrétaire de la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie Occidentale (UNESCWA), était en charge du Rapport sur l’Apartheid israélien. Obligée sous la pression d’Israël et des États-Unis d’enterrer ce rapport, elle démissionna. Ce Rapport rédigé par Richard Falk et Virginie Tilley, intitulé Les Pratiques israéliennes à l’égard du peuple palestinien et la Question d’Apartheid (résumé, 2019) montre que le système d’apartheid existe par les différents régimes administratifs appliqués aux seuls citoyens palestiniens. Ainsi, un droit civil réduit s’applique aux Palestiniens citoyens d’Israël tandis que les 300 000 Palestiniens de Jérusalem sont soumis à une loi de résidence, que ceux de Cisjordanie, de Gaza, des camps se voient appliquer la loi militaire et que les Palestiniens réfugiés ou exilés hors d’Israël n’ont plus le droit de rentrer. Enfin, Israël a capté le marché palestinien en imposant une union douanière défavorable, qui a fait régresser le secteur agricole et conduit à la désindustrialisation, d’où l’hypertrophie du secteur public (Elias 2015). D’autre part, la Cisjordanie, château d’eau naturel, est victime de violences hydrauliques (Blanc 2015).

Dès 1951, les assassinats du Premier Ministre libanais Riyad Solh et du roi de Jordanie Abdallah Ier montrent que la question palestinienne touche tous les Arabes. En 1964, Nasser crée l’OLP avec Ahmed Choukaïri pour défier Arafat et le Fath. En 1969, les Fedayin palestiniens luttent contre l’armée jordanienne qui les expulse. Ils se rendent au Liban et s’y conduisent comme un État dans l’État jusqu’en 1976 où l’armée syrienne envahit le Liban et limite leurs activités tout en les réorientant au service de Damas. En Syrie, les réfugiés palestiniens sont dûment surveillés par les services de renseignements. La Palestine divise les Arabes et les Arabes divisent la Palestine. Le Plan du roi saoudien Fahd en 1982 sous-entend déjà la reconnaissance d’Israël; il sera repris dans le Plan arabe de paix en 2002, une nouvelle fois refusé par Israël. A partir de cette époque, la Palestine n’est plus un thème mobilisateur d'autant plus que les politiciens palestiniens sont discrédités (Ekland 2015). C’est pourquoi, H. Balawi appelle à la nécessité pour les Palestiniens de reconstruire leur unité politique (2015). Tant qu'au Palestinien, la propagande israélienne le présente désormais comme un islamiste, antijuif et antioccidental Vescovi (2018). Alain Gresh (2019) constate qu’Israël est passé d’une défense de sa politique au niveau international au refus de débattre en essayant d’imposer sa censure. Il n’y a pas de gouvernement dans le monde qui s’insère autant dans les affaires intérieures des autres pays que le gouvernement israélien. Pourtant une centaine de pays ont reconnu en 2017 l’État de Palestine à l’assemblée générale de l’ONU. Pour Avraham Burg, israélien, «il faut que les Juifs israéliens abandonnent certains privilèges afin de créer un espace partagé plutôt que monopolisé … . Je veux libérer la Palestine pour libérer Israël.» (2019). Y aurait-il un début de «Printemps palestinien?