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La guerre de 1914 au Togo et ses conséquences : histoire militaire, histoire politique

Auteur Yves Marguerat
Editeur L'Harmattan
Date 2019
Pages 221
Sujets Guerre mondiale (1914-1918) Togo Togo 1885-1922
Cote 62.531
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Recension rédigée par Jean Nemo


La très abondante bibliographie des ouvrages d’Yves Marguerat, monographies, articles, directions d’ouvrages ou participations à des ouvrages, reprises d’émissions radio et télé est, pour l’essentiel, consacrée au Togo, accessoirement au Cameroun. Fait notable, elle est en grande partie éditée par des maisons d’édition régionales, notamment par les presses universitaires de Lomé.

Cet ancien chercheur de l’ORSTOM (aujourd’hui devenu Institut de Recherche pour le développement, IRD) a donc consacré l’essentiel de ses recherches et de sa vie active, en Afrique, à ce Togo des origines jusqu’à des jours récents. Le lecteur intéressé par l’histoire chroniqueuse des divers pays d’Afrique, vue par un géographe doublé d’un anthropologue, lira avec intérêt l’ouvrage sous revue, par ailleurs abondamment illustré de cartes introuvables et de photographies d’époque, largement empruntées à des collections de deux de nos confrères de l’ASOM.

Tout d’abord, premier chapitre, un bref « recadrage » sur les origines de cette première Guerre mondiale et les conditions de son extension aux colonies (celles d’Asie et du Pacifique passent très rapidement aux mains des Alliés). En Afrique, seul le Togo est rapidement conquis par eux.

Alors que, ailleurs en Afrique, les campagnes militaires de conquête des « protectorats » allemands furent rudes et parfois longues, celle du Togo fut de l’ordre du « blitzkrieg », rapide et peu sanglante, le gouverneur allemand cherchant à éviter le combat. Dans son second et troisième chapitres, l’auteur décrit par le détail, avec un certain nombre d’encadrés, la très faible population allemande, quelques dizaines de commerçants, militaires et administrateurs, une assez bonne entente avec les autorités britannique de la Gold Coast voisine, les rapports plus tendus avec les voisins français au nord et à l’est, la faiblesse des effectifs militaires, soldats ou supplétifs, les illusions et l’impréparation allemandes pour qui, dans les tous premiers jours de la guerre, celle-ci ne devait pas concerner les colonies, prestige de l’homme blanc vis-à-vis des indigènes exige. Sans compter les erreurs du renseignement militaire situant les troupes alliées ailleurs qu’elles ne l’étaient.

Les dernières opérations, dès le 20 août 1914 sont les plus brutales et les plus meurtrières. L’auteur en dénombre du côté allié plus d’une trentaine de soldats indigènes, cinq Européens, selon les témoignages qu’il a pu recueillir dans diverses archives. De façon inexplicable, alors que les Allemands avaient ainsi gagné une bataille à Kra, ils se retirent.

Voilà rapidement résumé l’aspect militaire, qui de fait occupe la majorité de l’ouvrage.

Intéressantes, les pages consacrées au bilan politique. En effet, l’une des raisons qui expliquent le « blitzkrieg » est que les Togolais n’ont pas soutenu leur colonisateur. Pas d’espion indigène, accueil plus ou moins enthousiaste aux vainqueurs, considérés comme libérateurs, au minimum acceptés sans regrets, peut-être en raison de la rudesse des Allemands qui pratiquaient volontiers des châtiments corporels. Si le rédacteur de la présente note de lecture peut se permettre ici un souvenir personnel, en 1956, à Palimé (orthographe de l’époque, aujourd’hui Kpalimé), les anciens montraient volontiers l’endroit du marché où se dressait la stèle inclinée sur laquelle les Allemands faisaient fouetter les indigènes en guise de punition.

L’accueil fut peut-être moins enthousiaste dans le nord où les populations plus rurales et plus fermées sur elles-mêmes n’entretenaient avec le colonisateur que des rapports distants.

Dans son épilogue, l’auteur raconte comment d’une facile adhésion aux nouveaux maîtres, Anglais et Français, les Togolais en sont arrivés à mythifier la période allemande. Suivant le processus générateur «de ce mélange inextricable de souvenirs réels, d’imaginaire recomposé et aussi d’oublis communs qui constituent dans son unité une mémoire nationale ».

Le jugement de l’auteur de la présente note de lecture sur l’intérêt de cet ouvrage est sans doute influencé par ses propres souvenirs de séjours longs et de missions moins longues depuis 1956, il n’a rien trouvé à redire aux pages, encadrés, jugements, exploitations d’archives et indications de pistes de recherche contenus dans l’ouvrage. À recommander au lecteur connaisseur de l’Afrique, amateur de recherche historique ou de chronique. À ne pas recommander au lecteur plus généraliste, qui n’est visiblement pas la cible d’Yves Marguerat.