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Éducation tropicale

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Recension rédigée par Jean Nemo


            L’auteur de ce roman (son premier roman) est encore très jeune, son cursus brillant est celui d’un jeune scientifique plutôt porté sur les mathématiques et, pour le moment, son seul autre écrit à plusieurs est une sorte de vade-mecum à l’usage de plus jeunes que lui, encore en classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques.

            Ce rapide portrait n’exclut pourtant pas une entrée en littérature de fort bonne tenue qui augure de bons et futurs romans. Car ce premier essai, sans être tout à fait un coup de maître n’a rien d’un coup dans l’eau. C’est pourtant sur la mer, entre hommes, que se joue l’essentiel, alors  que le destin des femmes déracinées et restées pieuses se joue dans l’errance meurtrière sur le continent ou à Djibouti, dans une prostitution miséreuse.

            Destins croisés d’un engagé dans la Marine française, dont le cursus justifie l’accès immédiat au grade d’officier de marine, de pirates somaliens venus parfois d’autres régions proches ou lointaines d’Afrique, de marins indiens apeurés. Le premier a tout d’abord rêvé de quitter les salons parisiens compassés et hypocrites de sa jeunesse, de mettre ses pas dans ceux de Corto Maltese, de Monfreid, de Lawrence d’Arabie, il est en partant du côté du « bien ». Les seconds, des arabes, des somaliens ou des bantous (un descendant d’esclave), ont fui à cinq leur misère, ont embrassé l’islam et seront désormais du côté du «  mal ».

            Quelques trois chapitres (on en trouve la liste en table des matières, subdivisés en cinq ou six sous chapitres), peu reconnaissables au fil de la lecture, amènent à une remarque éditoriale mineure : le lecteur eût aimé, dans le cheminement de sa lecture, suivre un fil d’Ariane plus reconnaissable. Mais là n’est pas l’essentiel.

            Cet essentiel est l’ensemble d’un roman initiatique, pour les « méchants » et pour les «bons » qui se sont ainsi auto désignés (pour ces derniers, la marine de guerre française entre autres). Mais d’un roman qui véhicule nombre de jugements ou de réflexions sur la nature de l’initiation, son caractère inéluctable de signal d’une destinée pesante et tyrannique.

            Il serait vain de résumer les différentes étapes, géographiques, morales ou immorales, c’est ici selon des critères tout relatifs, parcourues par les bons, les méchants, les femmes, le roman est trop riche mais se lit d’un seul trait. 

            Il n’est pas sans rappeler d’autres récits de voyages qui sous couvert d’excellents et inoubliables romans de mer ou des tropiques, ont été sans pitié pour la société dont ils étaient issus, celles où ils avaient cru retrouver l’innocence et sans illusions sur « le bon sauvage ».

            Écrit dans une langue de grande qualité et limpide quant aux sens profonds du récit, ce roman ne lâchera pas son lecteur, tant à travers la description des faits et évènements que dans la référence à ce qu’ils cachent des destinées inévitables des hommes et des femmes, individus comme silhouettes représentatives.

 


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