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L'Occident au miroir de l'Orient chrétien : Cilicie, Syrie, Palestine et Égypte (XIIe-XIVe siècles)

Auteur Camille Rouxpetel
Editeur Ecole française de Rome
Date 2015
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Cote 60.767
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Recension rédigée par Elisabeth Dufourcq


 Les recensions de l’Académie 

L'Occident au miroir de l'Orient chrétien : Cilicie, Syrie, Palestine et Égypte
(XIIe-XIVe siècles) / par Camille Rouxpetel
éd. Ecole française de Rome, 2015
cote : 60.767

    Admirablement édité sous l'égide de l'École française de Rome, l'ouvrage  de Camille Rouxpetel, docteur en études médiévales de l'Université Paris IV Sorbonne, est à la fois un livre de référence et un travail novateur. Comme le souligne Jacques Verger, membre de l'Institut, « ce qu'il nous propose est en quelque sorte une archéologie du regard occidental sur le christianisme oriental ».

    Vu sous cet angle, le projet d'une grande actualité dépasse les limites chronologiques indiquées (celles des XIIe-XIVe siècles). Son intérêt transcende même celui des sources recensées, à savoir les récits de vingt-sept auteurs au nombre desquels se côtoient des croisés, des pèlerins laïcs ou religieux, des prédicateurs, des clercs d'ambassades et des chapelains dont les notices biographiques sont présentées en annexe.

    L'époque choisie est néanmoins particulièrement intéressante puisqu'elle englobe celle de l'Empire latin de Constantinople (1204-1261) et donc de la redécouverte massive du monde byzantin par le monde latin, en particulier par les républiques commerçantes d'Amalfi, de Gènes, de Pise et de Venise.

    L'auteur observe et souligne comment la pensée occidentale évolue alors miroir de l'Orient chrétien. Très progressivement, mais profondément, jusque dans les écoles cathédrales de Laon, de Chartres ou de Paris, l'autorité de la chose vue au cours des pérégrinations orientales va relativiser l'autorité de la chose lue et recopiée chez Isidore de Séville ou Pierre le Lombard. Des lettres parlent même de « Nestoriens honnêtes ».

    Du point de vue de l'historiographie, l'un des apports majeurs est la remise en cause d'un topo longtemps exploité à l'excès, à savoir que la connaissance du grec aurait presque totalement disparu en Occident pendant plusieurs siècles avant les pathétiques ambassades des derniers empereurs Paléologues et la prise de Constantinople par les Turcs. Cette mise au point est particulièrement stimulante car elle permet de relativiser des jugements peut-être trop péremptoires des historiens qui prennent pour pures légendes ou exagérations des écrits d'auteurs médiévaux parlant de la connaissance du grec dans les monastères d'hommes ou de femmes. Camille Rouxpetel rappelle, en particulier les souvenirs d'ambassades byzantines dans le Saint-Empire et la progression de thèmes iconographiques cheminant sur la voie du Danube, tels ceux des Rois Mages chargés de présents et de savoirs.

    Trois index des noms propres, des noms de groupes et des noms de lieux et enfin un index analytique faciliteront une utilisation universitaire de ce travail désormais incontournable.


                                    Élisabeth Dufourcq