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Le conflit du Sahara au regard du droit international

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Recension rédigée par Jean Martin


            Professeur émérite de droit international à l'Université de Casablanca, expert auprès du HCR, Abdelhamid el Ouali est l'auteur de divers ouvrages consacré à la question du Sahara marocain, notamment Autonomie du Sahara, prélude au Maghreb des régions, Territorial integrity in a globalizing world et La face cachée du conflit du Sahara.

            Dans le présent ouvrage en deux volumes, le Professeur El Ouali revient sur ce sujet et nous propose une analyse juridique globale du dossier saharien. L'auteur constate que le processus de négociations entre les parties concernées est aujourd'hui pratiquement dans l'impasse et que les Nations Unies semblent décidées à procéder à une réévaluation  de ce dossier, ce qui rend une telle analyse plus que jamais nécessaire.

             Dans le premier volume, l'auteur pose le problème de la souveraineté qui s'exerce ou doit s'exercer sur le Sahara et du droit d'exploiter les ressources naturelles résultant de cette souveraineté. Abdelhamid el-Ouali observe que l'Assemblée générale des Nations Unies a, depuis 1976, tacitement entériné l'accord tripartite de Madrid conclu le 14 novembre 1975 entre le Maroc, l'Espagne et la Mauritanie au sujet des modalités du retrait du colonisateur espagnol de ce territoire. L'auteur ajoute que depuis lors, l'Assemblée Générale n'est plus jamais intervenue dans la question du statut de ce dernier. Il ajoute que plusieurs éminents universitaires français, dont le Pr. Charles Saint-Prot, ont admis la marocanité du Sahara occidental et ont dénoncé l'intrusion de l'Algérie dans cette affaire et son rôle dans l'origine des troubles survenus dans cette région. La question de la souveraineté qui avait soulevé des débats parmi les juristes au début des années 70 s'était ainsi trouvée mise en sommeil depuis 1975. La récente mise en exploitation par le Maroc des ressources naturelles du territoire (minérales et halieutiques) a fait rebondir le débat autour de la légalité de cette politique.

            Une première partie pose d'entrée de jeu la thèse défendue par l'auteur puisqu'elle est intitulée : « La souveraineté du Maroc sur le Sahara ».

            Dans un premier chapitre  (pages 21-84) intitulé: « L'échec de l'annexion du Sahara par l'Espagne ». Abdelhamid el Ouali démontre avec de bons arguments que l'Espagne, qui avait sans doute eu au départ des visées coloniales sur l'ensemble de l'Empire chérifien, n'a jamais exercé de souveraineté effective sur le territoire saharien qu'elle avait dénommé « Rio de Oro » dont elle n'était en fait qu'une puissance administrante. La reprise de possession de cette région par le Maroc à la suite de l'accord de Madrid  est traitée au chapitre 2 (pp. 85-105). On remarquera que l'auteur n'emploie pas le terme de rétablissement de la souveraineté mais de rétablissement de l'exercice de la souveraineté.

            Une deuxième partie  (pp. 107-203) traite de « La contestation de la souveraineté du Maroc sur le Sahara »  et analyse les arguments mis en avant par les adversaires de cette souveraineté. Le point de départ lui paraît être la note du Suédois Hans Corell, secrétaire général adjoint du Conseil de Sécurité, chargé des questions juridiques. Selon ce document du 29 janvier 2002, l'accord de Madrid ne prévoyait pas un transfert de souveraineté mais conférait simplement au Maroc le statut de puissance administrante. (puisque le Rio de Oro était un territoire sous protectorat espagnol et ne relevait pas de la souveraineté de l'Espagne)  L'auteur réfute bien entendu cette manière de voir, en estimant que les thèses invoquant l'application du principe de la souveraineté permanente pour l'exploitation des ressources naturelles ne peuvent s'appliquer avec pertinence au cas du Sahara. Et il réfute les thèses de ceux qui considèrent que le Maroc, simple puissance occupante, ne dispose que d'un droit conditionnel d'exploitation des ressources (thèse A) ou de ceux (l'Algérie et le Polisario sont expressément désignés) qui estiment qu'il ne dispose d'aucun droit (Thèse B).

            Le second volume est axé sur la question du droit à l'autodétermination qui est au centre du débat depuis 1966 et s'est heurté à de nombreux obstacles avant de rebondir à la suite de la proposition marocaine de 2007 de doter le Maroc d'un statut d'assez large autonomie. Un chapitre préliminaire examine ce changement de paradigme (on lira avec intérêt p. 41 une analyse de la crise de la territorialité étatique).

            Une première partie  (pp. 71-134) est intitulée: L'autodétermination-Indépendance.

            On notera des considérations non dénuées de perspicacité sur la « fabrication artificielle d'un peuple sahraoui en exil » installé dans les camps de Tindouf. Combien sont-ils au juste, ces prétendus réfugiés sahraouis de Tindouf? Si les estimations du Maroc ne peuvent être accueillies sans réserve, il est évident que les chiffres fournis par le Polisario et par l'Algérie ne peuvent être pris au sérieux.  Il en  va de même de la formation dans ces camps, d'une prétendue République arabe sahrarouie (RASD) qui semble bien n'exister que sur le papier. Cette politique de l'autodétermination -indépendance par recours à l'organisation s'est soldée par un échec, ce qui était à prévoir du fait de la quasi-impossibilité où les parties se trouvent de déterminer qui, parmi la population concernée, peut être considéré comme Sahraoui et qui ne le peut pas. On eût apprécié de trouver une référence à la « doctrine Capitant » souvent appliquée par les Français, notamment à Djibouti. De même il n'eût pas été inutile de faire allusion à la Nouvelle-Calédonie et à l'abandon du « référendum couperet » initialement prévu par le plan Rocard.

            Une deuxième partie a pour titre : L'autodétermination démocratique et traite essentiellement de la possibilité d'un régime d'autonomie de la région.

            L'auteur commence par envisager dans un premier chapitre, l'autonomie locale (qu'il appelle autonomie territoriale), en tant que solution alternative recommandée par les Nations Unies. Il examine divers statuts d'autonomie interne existant dans plusieurs pays européens : Iles Aaland en Finlande (1921), les cinq régions à Statut spécial en Italie, statuts particuliers de la Catalogne, du Pays Basque (Euzkadi) et des Canaries en Espagne, Açores et Madère au Portugal,  Ecosse et Irlande du Nord au Royaume Uni (on remarquera qu'il n'est pas fait mention du cas des îles Féroé au Danemark) Il décrit par le détail les compétences et les organes de la Région autonome du Sahara tels qu'ils sont définis dans le projet de loi organique. Il étudie, dans un second chapitre, les contestations et critiques adressées à cette solution et dénonce la volonté des opposants de « timoriser » la question du Sahara, autrement dit d'aboutir à une indépendance du territoire par une négociation sous les auspices des Nations Unies, solution comparable à celle qui est intervenue au Timor Oriental.

            La conclusion générale, très détaillée, insiste sur le fait que les Sahraouis internés dans les camps de Tindouf, ont été déplacés de vive force, et que les Nations Unies manqueraient à leur devoir de protection des minorités si elles n'intervenaient pas en leur faveur.

            La bibliographie est considérable. Des index facilitent la consultation des deux ouvrages et les annexes sont d'un grand intérêt.

            Au total, une étude puissamment documentée, brillante défense et illustration du point de vue marocain dans le dossier du Sahara. Elle nous semble, qui plus est, largement convaincante.                                                                                                  


 
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