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L'Arménie et la Géorgie en dialogue avec l'Europe : du Moyen Âge à nos jours

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Recension rédigée par Joëlle le Morzellec


            Cet ouvrage, important, d’une très grande qualité scientifique, est le résultat d’une coopération entre trois universités : l’Université Paul Valéry de Montpellier, l’Université d’Etat d’Erevan (Arménie) et l’Université d’Etat Ilia de Tbilissi (Géorgie), qui a débouché sur un colloque, tenu en trois volets, sur un thème commun, en 2011 à Tbilissi, en 2012 à Montpellier et en 2014 à Erevan, sous les directions d’Isabelle Augé, Vladimir Barkhoudryan, Gérard Dédéyan, Mzaro/Mzagve Dokhtourichvili et Irma Karaulashvili.

            Ces travaux universitaires, regroupés dans cet ouvrage, sont d’une richesse impressionnante, tant du point de vue technique que de l’apport intrinsèque des communications présentées. En effet, des tableaux de translittération de l’arménien, du géorgien, du russe, des cartes géographiques, des photos, des bibliographies jointes à chacun des sujets abordés, sont autant de compléments érudits, dans cet ouvrage qui compte
532 pages, et qui a été publié par la Librairie orientaliste Paul Geuthner, à Paris, en 2016.

            L’histoire de l’Arménie et de la Géorgie témoigne, au cours de la période étudiée, d’une rivalité pour la défense d’une identité chrétienne périodiquement menacée car ces deux peuples ont vécu au carrefour des Empires byzantin, puis turc seldjoukide, ottoman, perse, mazdéen, puis chiite, et en raison de la progression de la Russie dans le Caucase, perçue davantage comme positive par les Arméniens que les Géorgiens.

            Politique et religion sont étroitement mêlées car les acteurs sont parfois des princes devenus moines, et la Russie orthodoxe se proclame protectrice des chrétiens du Caucase. Les relations avec l’Europe témoignent de la recherche d’une identité nationale, arménienne essentiellement, ne serait-ce que par l’existence des diasporas établies en Europe, donc hors d’Asie (pages 375 et suivantes), avec le but avoué de sauver la langue en créant des communautés rassemblées autour d’églises reprenant l’architecture si reconnaissable des sanctuaires construits dans le Caucase.

            Les articles retenus sont organisés et classés autour de grands thèmes : culture, littérature, histoire, Eglise et littérature hagiographique, tous abordés de façon remarquable.

            Il faudrait pouvoir reprendre chacune des interventions et en présenter le contenu, tellement leur intérêt est grand. Arrêtons-nous, à titre d’exemple, sur celle de Gérard Dédéyan, Les Mamelouks géorgiens et arméniens, du Directoire à la Restauration
(1795-1830)
(pages 347 et suivantes) qui montre combien les destinées des peuples arménien et géorgien ont souvent été parallèles. On y découvre l’attrait marqué de Napoléon pour les Arméniens et leur culture, « intermédiaires rêvés entre le monde chrétien et le monde musulman » (page 351) ; et donc pour la communauté mékhitariste de Venise, seule congrégation religieuse qu’il avait maintenue en Italie en raison de son activité scientifique ; ainsi que par le biais de la création de la chaire d’arménien de l’actuel Institut des Langues et Civilisations orientales (INALCO) dont il avait formalisé la création dès 1812 (page 351). Et l’on retiendra encore que son célèbre compagnon, le mamelouk Roustam Raza, était d’origine arménienne, en parlait la langue (pages 361 et suivantes) et qu’il joua auprès de l’empereur un rôle militaire important, en particulier lors de la campagne de Russie.

            Ainsi tout lecteur qui souhaiterait en apprendre davantage sur les liens entre l’Arménie, la Géorgie et l’Europe, depuis le Moyen Age jusqu’à nos jours, trouvera dans cet ouvrage une mine d’informations en parcourant les contributions passionnantes et diverses réunies dans cet ouvrage.