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L'Afrique cosmopolite : circulations internationales et sociabilités citadines

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Recension rédigée par Roland Pourtier


            « L’Afrique cosmopolite » est tiré d’un mémoire d’HDR soutenu à l’université de Nanterre-Paris Ouest-la Défense en 2013.  Antanarivo constitue le cœur des recherches urbaines de Catherine Fournet-Guérin. La capitale malgache occupe naturellement une place centrale dans une étude élargie à d’autres villes de l’océan Indien, sans compter quelques incursions en Afrique de l’ouest (Ouagadougou, Saint-Louis du Sénégal, Nouakchott).

            Ces villes fournissent le support empirique d’une réflexion qui se veut en rupture avec les nombreux ouvrages insistant sur la spécificité urbaine de l’Afrique subsaharienne, la pauvreté des citadins notamment. L’auteure refuse le « provincialisme teinté de mépris », « l’exotisme morbide », ou la réduction des villes africaines à de gigantesques bidonvilles.  En s’appuyant sur une « géographie du quotidien, de l’intime, des pratiques et des représentations des citadins », elle entend montrer que les villes d’Afrique ne sont pas des exceptions mais s’inscrivent dans une dynamique d’urbanisation universelle, nourrie par la circulation, productrice de modernité et de cosmopolitisme.

            Un premier chapitre insiste sur le fait que les villes africaines s’inscrivent dans des circulations parfois anciennes, que certaines sont des carrefours depuis l’antiquité, que les villes coloniales ont été des lieux de brassage, avant que les formes actuelles de cosmopolitisme se généralisent à partir de la fin du XXe siècle sous l’effet des migrations et de la mondialisation des échanges comme des pratiques. Un deuxième chapitre consacré aux « modernités urbaines » analyse les formes, pratiques et représentations liées à ce cosmopolitisme. L’auteur met en exergue les expressions de modernité hybride, de créolisation, de métissage, dans le sillage d’Achille Mbembe ou d’Edouard Glissant, créolisation qui s’exprime dans la musique, le langage, l’alimentation, le vêtement, ou l’architecture.

            Un dernier chapitre explore les lieux de sociabilité où s’exprime le cosmopolitisme. Il est illustré principalement par l’exemple de Tananarive, ville métisse s’il en est avec ses influences malgaches aux racines indonésiennes et africaines, chinoises, indiennes, européennes qu’on retrouve notamment dans la cuisine. La mondialisation, ses fast food et ses centres commerciaux, ses bars et dancing internationaux, ajoute sa touche à une capitale cosmopolite.

            Parallèlement aux créolisations, la ville produit ses lieux ethniques, en particulier dans la communauté des Karane (Indo-Pakistanais) et parmi les « nouveaux » Chinois arrivés depuis le début du millénaire, et plus généralement ses ségrégations sociales.  La capitale malgache n’échappe ni à la fragmentation spatiale ni à la distance entre culture populaire et culture des élites. Dans son approche centrée sur les sociabilités citadines, Catherine
Fournet-Guérin minimise la dimension socio-économique de sorte qu’on reste dubitatif devant une conclusion présentant « le cosmopolitisme comme un humanisme ».

            On appréciera un cahier couleur de 50 photographies illustrant la diversité des lieux et des cultures urbaines, essentiellement dans la capitale malgache (42 photographies complétées par 8 de Maputo). La cartographie en revanche n’est pas à la hauteur de la publication ; les quatre cartes de Tananarive sont malheureusement illisibles, faute d’avoir été élaborées dans un format destiné à l’impression. On ne peut que déplorer que les éditeurs négligent la cartographie, si importante dans les études de géographie.