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Manuel des francophonies

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Recension rédigée par Jean Nemo


Ce manuel a été solennellement lancé le 30 novembre 2017 à Munich, par l’Institut français de cette ville et l’université de Passau à laquelle appartient Ursula Reutner. Double parrainage donc pour une francophonie non hexagonale ni institutionnelle. L’on peut donc espérer un regard extérieur, donc renouvelé, sur les francophonies. La réputation de l’encore jeune éditrice de ce « manuel des francophonies » n’est plus à faire, elle est mondialement réputée pour ses recherches en linguistique des langues romanes et en a été récompensée par plusieurs prix.

L’un des traits caractéristiques de cet ouvrage à environ trente-sept voix est constitué par une approche multiple : le français langue majoritaire du pays concerné dans ses rapports avec des langues autres (breton, basque, flamand, alsacien, occitan dans le cas de la France…), le français en milieux anglophones ou autres langues dominantes, le français langue d’appoint, officielle (au Cameroun, au Sénégal) ou d’usage courant (bien des pays africains), le français de référence pour d’autres francophones (en Belgique, il est « chic » de parler français comme à Paris…), voire les argots inspirés du français, véhiculaires (le nouchi d’Abidjan) ou occasionnels.

Dans son introduction, l’éditrice s’interroge tout d’abord sur la question de savoir si la France hexagonale doit être retenue comme partie intégrante des francophonies, surprenante mais souvent posée, selon un préjugé qui limiterait les francophonies hors de l’Hexagone.. Il y est désormais répondu par l’affirmative, selon notamment la définition de l’OIF, « la francophonie, ce sont tout d’abord des femmes et des hommes qui partagent une langue commune, le français ». Puis elle précise que les francophonies de l’ouvrage seront traitées en cinq parties continentales (Europe, Amériques, Afrique, Asie, France d’Outre-mer).

Dans chacune des parties annoncées, hors deux premières contributions d’orientation générale, il sera traité systématiquement de la situation démo linguistique, un survol historique, législations linguistiques, les langues dans l’administration, dans l’enseignement, les médias, les particularités des français (prononciation, morphosyntaxe…).

Toujours dans cette introduction, il est annoncé que l’on se focalisera sur la pluralité linguistique dans les francophonies, c’est-à-dire les rapports entretenus avec les autres langues autochtones ou autrefois coloniales, pour aujourd’hui avec d’autres langues également parlées, quel français selon les classes sociales, quelle histoire a présidé à l’installation du français, son influence sur le « purisme ».

Le pari est bien tenu, l’ouvrage malgré son épaisseur intéressera tous lecteurs désireux de disposer d’études approfondies et systématiques sur les français parlés dans le monde, selon une approche méthodique éprouvée. Pour ceux qui ont pu entendre dans leur toute jeunesse les sermons en breton devant une assistance habillée en costumes et coiffes traditionnelles, puis constater quelques décennies plus tard, dans les mêmes églises, les sermons en français devant une assistance en tenues d’été passe partout, on regrettera parfois une analyse trop timide du sort réservé en France hexagonale aux langues dites minoritaires.

Le rédacteur de la présente note de lecture ne peut cacher l’intérêt qu’il a pris à la lecture quasi-intégrale de l’ouvrage qui lui a apporté des vues originales et fort intéressantes à ce qu’il connaissait déjà des français en francophonies.