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La mélancolie du maknine : récit

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Recension rédigée par Guy Lavorel


Dès la préface de Souad Massi, on comprend qu’écouter le chant d’un maknine et le reproduire, comme on joue dans le chaâbi algérien, est une mélancolie merveilleuse qui a un sens particulier. Le maknine, c’est bien sûr le chardonneret, mais celui qu’on trouve en Algérie, avec son chant unique ; c’est donc bien plus la nostalgie d’un pays, que Français on retrouve en vacances, c’est surtout une musique gravée dans le cœur. Seham Boutata raconte ici sa quête de cet oiseau si cher à sa vie. On suit donc ce parcours qui est tant géographique qu’historique, chargé des souvenirs d’enfance et des parcours variés dans le pays, avec comme désir principal l’acquisition d’un maknine au « gazouillis fluide et répété ». L’oiseau est omniprésent dans des cages suspendues, et la narratrice évoque les chances de l’acquérir tant dans les marchés que dans des circonstances particulières. Il y a une admiration sans borne pour les « confrères », et le voyage qui passe par Marseille pour retrouver l’Algérie est ponctué par les chants de l’oiseau, reconnaissables d’emblée par leur mélodie particulière, et qui traduisent immédiatement la présence d’une personne du pays…

Mais en fait le maknine, adulé et recherché, révèle le symbole qu’il représente, la quête de liberté dans le pays algérien. Et c’est dès le début du livre l’évocation de souffrances vécues dès l’enfance en Syrie, poursuivie par le dur temps de l’absence de liberté, dans les années très dures infligées par un régime politique, et l’attente qui renaît d’une nouvelle vie, enfin libérée des cages.

C’est donc ce chant d’espoir qu’on suit tout au long des chapitres, au son de la révolution dans les dernières pages. Chacun rythme à sa façon la tradition du pays, les paysages et les personnes qui lui donnent une saveur particulière, à commencer par l’oiseau qui est l’emblème de la vie, dans son charme musical autant que dans son invitation à la réflexion qui doit conduire à la liberté. Il est donc primordial d’acheter l’oiseau, et tout le livre évoque ces occasions, qui contribueront à un bonheur par l’entremise réelle et symbolique du chardonneret, au-delà du Printemps noir et des répressions.

Ce livre mêle donc la passion du maknine à l’attente de l’envol final d’Alger. La plume est tour à tour enjouée, sérieuse, pleine d’allant. Et avec un tel chant, le maknine séduit son lecteur …

           


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